L’intelligence artificielle est un domaine de recherche dynamique et effervescent. À quoi ressemble le quotidien type de ceux et celles qui opèrent à la frontière du savoir ? La Presse en a discuté avec un chercheur qui a les deux mains dedans… mais surtout son cerveau.

Christian Gagné cumule les titres. Chercheur en apprentissage automatique et apprentissage profond, il est professeur à la faculté des sciences et de génie de l’Université Laval. Il est aussi directeur de l’Institut intelligence et données, en plus d’être titulaire d’une chaire Canada-CIFAR en intelligence artificielle.

Ses statistiques de chercheur témoignent d’un esprit qui tourne à plein régime : depuis 2001, il a publié plus de 150 articles scientifiques. Il publie actuellement au rythme de 10 ou 15 articles par année. De ce nombre, entre cinq et huit sont des articles plus complexes, plus développés, alors que les autres papiers sont davantage de nature préliminaire et visent par exemple à tester des idées.

Comme bien d’autres chercheurs, il reconnaît d’ailleurs que la gestion du temps est un des plus gros défis du métier.

Avec la variété de tâches à réaliser, de même que la charge de travail, le temps manque parfois. Suivre le rythme, ça implique un certain niveau de stress.

Christian Gagné, professeur titulaire à la faculté des sciences et de génie de l’Université Laval

Dans une semaine typique, il consacre en moyenne une journée à l’enseignement, une journée aux tâches administratives et trois jours à la recherche.

Une vocation

S’il évalue qu’il travaille une cinquantaine d’heures par semaine, Christian Gagné reconnaît que cette comptabilisation ne raconte pas nécessairement toute l’histoire.

« La recherche, c’est plus une vocation qu’un métier. On est donc immergé complètement dans notre sujet, qui prend beaucoup de place dans notre esprit, et on ne compte pas nos heures. Au-delà des heures formelles, au bureau, mon cerveau travaille toujours un peu. Même dans la douche ! »

C’est d’ailleurs souvent dans les temps libres que l’aspect créatif du travail, la gestation de nouvelles idées, a tendance à bourgeonner.

« Dans l’ensemble, je dois dire que je déplore de ne pas avoir assez de temps à mon goût pour le deep thought [réflexion approfondie]. À travers les courriels, suivis, demandes de fonds et sollicitations, c’est parfois difficile de faire assez de temps pour penser plus profondément. »

Un domaine intense

L’intelligence artificielle est un domaine en forte croissance qui a beaucoup changé depuis une décennie, explique Christian Gagné.

S’il s’agissait auparavant d’un domaine semblable aux autres domaines en informatique ou en génie, la compétition est aujourd’hui beaucoup plus féroce en raison de l’afflux de financement et d’un intérêt accru de l’industrie.

« Depuis une décennie, l’intensité a monté d’un cran, ou même de trois ou quatre crans, dit Christian Gagné. C’est compétitif, et si on ne va pas assez vite, d’autres développeront nos idées. C’est difficile de se démarquer dans un domaine où plusieurs chercheurs fouillent les mêmes thèmes. »

Similairement, rester au fait de la nouvelle recherche demande un effort constant.

« En IA, les choses vont vite et on doit lire ce qui sort pour demeurer au courant des avancées récentes, dit Christian Gagné. Le domaine est presque en surchauffe, alors c’est intense. On ne s’ennuie pas. »