Êtes-vous prêt à monter dans un taxi-drone – sans pilote, donc – qui vous amènerait du centre-ville à l’aéroport Montréal-Trudeau ? Il vous faudrait probablement une bonne dose de confiance dans le cerveau électronique de l’aéronef… C’est à la conception de cette fonction essentielle que l’entreprise Mannarino œuvre sur son site de l’arrondissement de Saint-Laurent.

Lorsque les taxis-drones voleront d’un point à l’autre de l’île de Montréal, dans quelques années, il est probable que ce sera en partie grâce à l’expertise de la montréalaise Mannarino.

L’entreprise, spécialisée dans la conception, la vérification et la validation des systèmes critiques, vient de tripler ses revenus en moins de trois ans grâce à sa stratégie développée sur le marché de la mobilité avancée aérienne, c’est-à-dire sans pilote.

Mannarino a été fondée en 1998 par John Mannarino, un ingénieur mécanique montréalais, diplômé de l’Université Concordia, qui a œuvré une dizaine d’années chez Pratt & Whitney avant de créer son entreprise, dont il est toujours l’unique propriétaire. En 2017, la firme a remporté un contrat de 10 millions de dollars auprès de Lockheed Martin pour développer le système d’exploitation M-RTOS, qui sert d’interface aux logiciels pour accéder aux systèmes électroniques des aéronefs.

Cet accord s’inscrivait dans le cadre de la politique des retombées industrielles et technologiques de l’acquisition de 17 aéronefs de type CC-130J Super Hercules par l’Aviation royale canadienne. Jamais Lockheed Martin n’avait passé un contrat aussi important avec une PME canadienne.

Mannarino a ajouté une corde importante à son arc en 2020 en mettant sur le marché son système d’exploitation M-RTOS, qui sert d’interface aux logiciels pour accéder aux systèmes électroniques des aéronefs.

Autour de ce système d’exploitation, Mannarino fournit des services, dont la possibilité d’accompagner ses clients dans la certification de leurs engins. Or, dans ce secteur en plein essor où les autorisations sont très encadrées par les normes, « les clients sont souvent de nouveaux entrants sur le marché ; ils n’ont jamais certifié d’appareils, ce qui rend nos services très recherchés », se félicite Mario Iacobelli, gestionnaire de produit sénior chez Mannarino.

L’entreprise, qui comptait une cinquantaine d’employés avant la pandémie, regroupe désormais 120 collaborateurs. À présent, le marché canadien ne représente plus que 15 % de ses activités, la firme desservant des clients partout dans le monde, notamment aux États-Unis, où le secteur est en forte croissance, avec des applications civiles comme militaires. « Nous avons au Canada toutes les capacités pour développer l’ensemble des systèmes qui pourraient constituer un aéronef au complet, qui serait destiné à notre propre marché et à l’exportation », soutient Mario Iacobelli.

Et l’intérêt n’est pas près de retomber : tout le marché est dans l’attente des futures normes que les autorités réglementaires appliqueront au transport de personnes par drone d’ici 2025. « On commencera à voir des drones transportant des passagers dans nos villes », se félicite Mario Iacobelli.

Un jour, les appareils ne seront plus un problème. Le défi sera d’avoir les infrastructures pour les accueillir et charger les batteries.

Mario Iacobelli, gestionnaire de produit sénior chez Mannarino

Mannarino équipe aussi des aéronefs « classiques » avec pilotes, comme des avions ou encore des hélicoptères qui voleront prochainement en Europe grâce au système d’exploitation de l’entreprise de Saint-Laurent. Et l’entreprise entrevoit déjà d’autres marchés prometteurs dans la mobilité avancée, pas seulement aérienne, comme dans les industries automobile et ferroviaire. « Cela va transformer complètement la mobilité », prédit M. Iacobelli.