Les ponts routiers en aluminium sont plus durables que ceux en béton. Pourtant, le Canada n’en compte que deux : à Arvida et à Saint-Ambroise. Afin de démontrer les propriétés enviables des poutres d’acier et des surfaces de roulement en aluminium, un pont sera bientôt testé par une équipe de recherche de l’Université Laval dans la forêt Montmorency pendant deux ans.

La forêt est parfaite pour l’occasion : altitude, températures pouvant atteindre - 40 degrés Celsius, cinq à six mètres de neige en hiver, taux d’humidité élevé. « On va prendre des mesures de dilatation thermique, car tout matériel se contracte au froid et se dilate au chaud, explique Mario Fafard, consultant au Centre d’expertise et d’innovation en aluminium. Puisque l’aluminium se contracte deux fois plus que l’acier, on veut s’assurer que ça ne cause pas de problème. »

Comme le platelage (la surface de roulement) sera fait de plusieurs extrusions d’aluminium soudées et que la soudure diminue la résistance de l’aluminium, des mesures seront également prises à ce sujet. « Nous ferons circuler des véhicules à basse et à haute vitesse, à différentes températures, pour évaluer les comportements du pont », dit-il.

Ces tests sont nécessaires même si le pont en aluminium d’Arvida compte déjà 72 ans au compteur. « Son platelage est fait de plaques assemblées. C’est une technologie différente. »

Pourquoi pas avant ?

Le premier pont de fer a été conçu en 1779. Près de 60 ans ont passé avant la création d’un pont en béton. L’aluminium est devenu accessible à la fin du XIXe siècle, mais à un prix élevé. « Les ingénieurs sont formés pour concevoir des ponts routiers alliant béton et acier », souligne M. Fafard.

Aux prises avec des surplus d’aluminium après la Seconde Guerre mondiale, l’entreprise américaine Alcoa et la canadienne Alcan (aujourd’hui dans le giron de Rio Tinto) ont lorgné les infrastructures. Alcoa a conçu un pont ferroviaire en 1946, qui est toujours en fonction. Alcan a conçu un pont routier à Arvida en 1950.

Depuis, il n’y a pas eu de bris. Ça nous dit que l’aluminium est durable.

Mario Fafard, consultant au Centre d’expertise et d’innovation en aluminium

Du côté des ponts en acier-béton, la norme canadienne prévoit une durée minimale de 75 ans. « On doit intervenir au moins 10 fois sur la dalle durant les 50 premières années et la remplacer ensuite. »

À l’an zéro, les ponts en acier-béton coûtent moins cher que ceux en acier et aluminium. Toutefois, les études démontrent que ces derniers coûteront trois fois moins cher puisqu’ils demandent peu d’entretien.

Alors, pourquoi favoriser l’alliage acier-béton ? « Le ministère des Transports est prudent avec le choix des matériaux, car il doit s’assurer que la structure ne met personne en danger. Ça prend du temps pour confirmer certaines choses. Il faut donner confiance au Ministère, aux villes et ingénieurs pour les encourager à concevoir des structures avec de l’aluminium. »

En plus d’accumuler les données grâce au pont de la forêt Montmorency, les partisans de l’aluminium devront démontrer la capacité d’approvisionnement des extrusions et la présence de fabricants qualifiés pour les souder. « D’ici deux ou trois ans, on devrait voir dans les us et coutumes du ministère des Transports des appels d’offres incluant l’aluminium. »