Avocat d’expérience au sein de grands cabinets, Pierre Jauvin a trouvé un défi à sa mesure. Président d’Industries Cresswell, un fabricant de produits d’acier pour des clients internationaux, il pilote actuellement un projet de transformation numérique qui a notamment permis à cette filiale de Groupe Acier Nova de conserver ses contrats avec Volvo.

À son arrivée chez Cresswell, en 2019, Pierre Jauvin a reçu le mandat de remettre de l’ordre dans l’entreprise et de la faire croître. Il a fait passer son chiffre d’affaires de 18 à 30 millions de dollars grâce à une réorganisation et à une meilleure formation des employés. Maintenant que le manufacturier investit 11 millions dans sa transformation numérique, son patron vise des revenus annuels de 45 millions. Pierre Jauvin explique les grandes lignes de ce virage 4.0 et prodigue au passage quelques judicieux conseils.

Le projet que vous pilotez dans vos installations de Saint-Hubert prend quelle forme ?

Le projet de transformation implique de repenser la production dans son ensemble et le remplacement de la majorité des équipements importants, ainsi que le remplacement du système de gestion manufacturière automatisé (ERP). Nous avons notamment fait l’acquisition de trois nouvelles cellules robotisées de soudure et d’un nouveau centre d’usinage.

Quels conseils donneriez-vous à une organisation qui désire amorcer une transformation numérique ?

Entourez-vous bien et soyez ouvert d’esprit. Prenez le temps qu’il faut pour améliorer ce qui peut l’être avant vos décisions finales, car si on prend notre cas en exemple, la production aura presque doublé avec moins de personnel avant l’arrivée des nouveaux équipements. Évitez aussi d’automatiser des tâches qui n’ont pas réellement besoin de l’être (ou peuvent l’être à moindre coût). Vous pourrez ainsi mettre l’accent sur de nouvelles possibilités et de nouveaux produits. Discutez, impliquez vos clients. Toute cette collecte d’informations pourrait vous éviter bien des soucis et des regrets. Ajoutez les ressources requises. Ne négligez pas votre réalité actuelle, car il y aura des retards, des imprévus, mais il faudra continuer à livrer. Le projet final chez nous est bien différent des premières moutures. Ça fait partie de l’amélioration continue.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

L’implantation du numérique n’est pas une étape à prendre à la légère.

Qui vous accompagne dans cette aventure ? Avez-vous reçu une aide extérieure ?

L’accompagnement est la clé. Une entreprise comme la nôtre, même en tenant compte du groupe dont nous faisons partie, ne possédait pas le niveau d’expertise en automatisation et en robotisation qui permettait de faire les meilleurs choix, de nous outiller pour mieux négocier ou d’optimiser l’implantation du numérique. L’apport de l’équipe du Centre de recherche industrielle du Québec (CRIQ) à toutes les étapes, y compris nos visites des fournisseurs potentiels en Europe lors des moments plus calmes de la pandémie, s’est révélé essentiel, tout comme le soutien continu du ministère de l’Économie et de l’Innovation et d’Investissement Québec.

Sentez-vous que cela fait une différence dans votre organisation ?

On sentait avant même l’arrivée des premières nouvelles pièces d’équipement un enthousiasme dans l’ensemble de l’entreprise après trop d’années sans investissement. La formation de nos opérateurs et de nos mécaniciens chez notre fournisseur en Allemagne a permis de poursuivre sur cette lancée. Les clients sont au rendez-vous avec de nouveaux projets. L’adhésion et les efforts soutenus de nos employés à tous les niveaux sont essentiels au succès. La communication continue est aussi essentielle pour éliminer les craintes naturelles face au changement.

La transformation numérique des organisations est-elle incontournable en 2022 ?

Mes 35 années de pratique auprès des entreprises et le lot de fermetures qu’elles m’ont fait connaître m’ont convaincu, il y a longtemps, que le Québec est loin derrière dans une transformation essentielle pour demeurer concurrentiel. Il ne faut pas se fier à une monnaie dépréciée pour compenser. Nos concurrents à nous, qu’ils soient en Scandinavie, en Turquie, au Mexique ou ailleurs, ont tous franchi ce pas.