Si le virage électrique avance pour ce qui est des véhicules légers au Québec, il en va autrement pour le transport lourd. En excluant les autobus et les camions de livraison utilisés en milieu urbain, les semi-remorques électriques capables d’effectuer de longues distances sont peu nombreuses sur les autoroutes du Québec et du continent nord-américain.

La raison en est fort simple : les tracteurs électriques sont encore construits à petite échelle. Et ces mêmes tracteurs qui tirent des remorques ou des fardiers de 16 m (53 pi) ont, pour le moment, très peu d’autonomie. Entre 200 et 300 km tout au plus.

Tesla et Volvo promettent des poids lourds pouvant rouler 400 km, voire jusqu’à 1000 km. Mais ils ne sont pas encore commercialisés. L’entreprise québécoise Lion prévoit commercialiser en 2023 son Lion 8, un tracteur électrique ayant une autonomie de 400 km et pouvant tirer des charges de 40 000 kg.

Avec un peu moins de 500 autobus électriques, une quarantaine de camions lourds et un nombre grandissant de camions de classe 8 pour la livraison urbaine sur ses routes, le Québec n’est pas premier de classe, soutient Simon-Pierre Rioux, président fondateur de l’Association des véhicules électriques du Québec (AVEQ).

On a un gros retard. Par rapport aux autres provinces canadiennes ou à l’État de New York, par exemple, on est meilleurs. Mais pas si on se compare à la Norvège, où à peu près tous les camions de livraison sont électriques.

Simon-Pierre Rioux, président fondateur de l’Association des véhicules électriques du Québec (AVEQ)

Selon lui, on assiste, avec les camions électriques, au même phénomène qu’avec les véhicules légers il y a quelques années : production à petite échelle, prix élevés à l’achat, infrastructures de recharge déficientes, etc. Il y aurait actuellement près de 150 000 voitures électriques sur les routes du Québec, selon les plus récentes données de l’AVEQ.

PHOTO FOURNIE PAR L’AVEQ

Simon-Pierre Rioux, président fondateur de l’Association des véhicules électriques du Québec (AVEQ)

Pour l’heure, croit Simon-Pierre Rioux, le Québec a avantage à miser sur la formation d’ingénieurs et sur son savoir-faire dans les véhicules spécialisés comme les camions-nacelles, les ambulances, les déneigeuses, voire les remorques réfrigérées.

La Compagnie électrique Lion, constructeur d’autobus scolaires et de camions de livraison 100 % électriques de classes 6 et 8, est une preuve éloquente de notre expertise, rappelle-t-il.

Aux premières loges

Les plus importants transporteurs routiers au Québec (TFI International et Robert Transport) n’ont pas voulu commenter le sujet, mais Transport Bourassa a accepté notre invitation. En août dernier, l’entreprise de Saint-Jean-sur-Richelieu a reçu deux tracteurs Kenworth dont l’autonomie est de 240 km.

On a fait ces achats, car on aime travailler avec des constructeurs qui font évoluer les choses. On prend des notes, on tient des statistiques pour mieux connaître le produit. On va les partager avec Kenworth.

Marilyn Bourassa, directrice de flotte chez Transport Bourassa

Mme Bourassa s’est rendue l’été dernier à l’usine de Kenworth, à Renton (Washington), aux États-Unis, afin de participer à une remise de clé symbolique.

PHOTO FOURNIE PAR TRANSPORT BOURASSA

Marilyn Bourassa, directrice de flotte chez Transport Bourassa

Est-elle satisfaite de ces acquisitions ? « Oui, mais on est très limités, rappelle-t-elle. L’autonomie n’est pas grande et le système de bornes sur la route est encore peu développé. Faire le plein d’un camion au diesel prend 10 minutes. Charger les batteries de nos deux camions prend trois heures chacun. C’est très long. »

Bien sûr, il y a aussi les subventions qui ont incité Transport Bourassa à électrifier une petite partie de son parc de véhicules, composé de 230 tracteurs et de 750 remorques. « Sans les subventions, les deux tracteurs et la borne de recharge nous auraient coûté 1 million. Avec l’aide reçue, ça nous est revenu à environ 160 000 $ par camion », confie-t-elle.

Au provincial, le programme Écocamionnage prévoit notamment une aide de 60 000 $ à 125 000 $ pour les camions électriques de classes 3 à 6, de même qu’une subvention de 90 000 à 175 000 $ pour les camions lourds électriques de classes 7 et 8. Il peut être combiné au programme d’incitatifs pour les véhicules moyens et lourds à zéro émission (iVZEML), de Transports Canada.