De la fabrication de vaccins à la production d’ingrédients actifs, les entreprises québécoises de biotechnologies s’affairent dans l’ombre des géants pharmaceutiques. Le milieu est en ébullition, mais fait face à de nombreux enjeux, dont l’intégration de ses innovations dans le système de santé.

« Le secteur a connu une belle croissance au cours des dernières années », constate la nouvelle directrice générale de BioQuébec, Emmanuelle Toussaint. Le nombre d’entreprises dans le domaine des biopharmaceutiques, des technologies médicales et des produits de santé naturelle a augmenté de 7 % en deux ans, souligne-t-elle.

Avec la pandémie, l’organisme a aussi observé une hausse des investissements.

De nouvelles entreprises ont vu le jour dans l’industrie des biotechnologies et des sciences de la vie. C’est une bonne nouvelle.

Emmanuelle Toussaint, directrice générale de BioQuébec

Par contre, l’inflation risque de mettre un frein à ces investissements au cours des prochains mois. De l’avis de la grande patronne de BioQuébec, on assistera sûrement à une consolidation de certaines entreprises existantes.

« L’écosystème est très dynamique, estime pour sa part Arianne Trudeau, directrice de projet de Médicament Québec. Montréal a la particularité d’avoir une grande force en intelligence artificielle. Ça encourage à la fois les entreprises des sciences de la vie à intégrer l’IA dans leurs processus et le milieu de l’IA à se tourner vers les applications en santé et la découverte de médicaments. »

Malgré le départ des grandes sociétés pharmaceutiques au début des années 2000, la métropole compte sur de nombreuses infrastructures de recherche universitaire, sur de petites et moyennes sociétés de même que sur de jeunes pousses, comme ExcellTherra, qui veut réinventer la thérapie cellulaire.

Le Québec dans son ensemble est reconnu pour son expertise dans les traitements contre le cancer et les maladies rares, de même que dans la médecine de précision. « On s’attend à ce que le secteur se développe encore plus, notamment avec l’arrivée de grands acteurs comme Moderna et Smokepound Biologics », ajoute Arianne Trudeau.

Une poignée de défis

Ceux qui se concentrent sur la recherche et le développement peuvent avoir des problèmes d’accès à l’information. « Obtenir les données nécessaires pour la recherche, pour la conduire de façon efficiente aussi, est un défi. Il y a de fortes pressions de la part de l’industrie pour avoir un meilleur accès à ces données », souligne Arianne Trudeau.

L’intégration des innovations québécoises dans le système de santé peut également être longue et onéreuse pour les entreprises.

On a beaucoup de jeunes pousses. Par contre, la capacité de notre écosystème local d’intégrer leurs innovations, de faire en sorte que ce qui est développé au Québec soit utilisé ici doit être améliorée.

Arianne Trudeau, directrice de projet de Médicament Québec

La fabrication pharmaceutique, qui revient au Québec, a besoin d’infrastructures pour sa production. « Les PME de ce secteur ont besoin de locaux et n’ont pas nécessairement les moyens de bâtir de nouvelles installations. Pour remédier en partie au problème, adMare BioInnovations héberge des entreprises émergentes par l’entremise de son programme d’accélération », souligne Emmanuelle Toussaint.

Le secteur des biotechnologies est comme plusieurs autres touché par le manque de main-d’œuvre spécialisée. Pour retenir et attirer les talents, différentes initiatives ont néanmoins été mises sur pied.

Le « phénomène de la vallée de la mort » affecte en outre les entreprises. « On est très bon en termes de nouvelles idées au Québec. Toutefois, développer un nouveau médicament demande énormément de temps. Souvent, les compagnies manquent soit de capitaux, soit de soutien pour passer par toutes les étapes ici. »

Résultat : certaines phases sont réalisées dans d’autres provinces ou d’autres pays, et des entreprises en démarrage sont vendues à des intérêts étrangers.

Le financement, le nerf de la guerre

Le financement est toujours un enjeu, en particulier pour les jeunes pousses, admet Emmanuelle Toussaint. « C’est une nécessité, on doit avoir davantage de financement », dit-elle.

La directrice générale de BioQuébec croit toutefois que les perspectives sont bonnes pour l’industrie. « On a le soutien des gouvernements. Seulement au Québec, il y a eu la mise à jour de la Stratégie québécoise des sciences de la vie et le lancement de la Stratégie québécoise de recherche et d’investissement en innovation dans la dernière année. On voit que le secteur est une priorité. »