Le monde a soif d’énergie renouvelable et le Québec dispose d’une expertise bien établie. Au moment où la province s’ouvre à différentes sources d’énergie, comme l’hydrogène, l’industrie plaide pour des gestes concrets.

Le secteur de l’énergie renouvelable se porte bien en ce moment au Québec. « Il est en ébullition », constate Gabriel Durany, président de l’Association québécoise de la production d’énergie renouvelable (AQPER). « De façon générale, on est dans une période avec une belle perspective. Les entreprises engagent et sont très optimistes. »

Nicolas Letendre, président de Letenda, constructeur québécois d’autobus à zéro émission, sent aussi l’engouement. « On arrive au bon moment avec le bon produit », se réjouit-il.

Des forces…

La première grande expertise du Québec se trouve évidemment du côté de l’hydroélectricité. Plus que centenaire, le marché est très à maturité. « On a tendance à l’oublier, mais la cogénération de la biomasse est une autre de nos forces », relève Gabriel Durany. La province a aussi développé une profonde expertise éolienne dans les dernières années.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Gabriel Durany, président de l’Association québécoise de la production d’énergie renouvelable

Le secteur des biocarburants liquides, comme l’hydrogène, devra quant à lui accélérer le pas. « On a fait des gestes très importants cette année. On sent qu’il y a une véritable volonté de générer de l’activité », souligne toutefois le président de l’AQPER.

Nicolas Letendre note pour sa part que la province peut compter sur un système d’éducation très bien développé dans cette filière. « Des centres de recherche sont prêts à travailler avec les entreprises pour un transfert technologique. On a aussi un bassin de main-d’œuvre qualifiée », dit-il. Celui-ci ajoute que notre réseau de subventions pour la recherche et le développement fait l’envie de bien des pays.

… et des défis

Sans vouloir faire de jeu de mots, Gabriel Durany croit qu’on « manque le bateau » quand vient le temps de trouver des solutions pour l’industrie maritime et l’aviation. « On a tendance à écarter les kérosènes à basse intensité carbone de l’équation. Pourtant, on a une grappe aéronautique à Montréal. »

Les pires résultats reviennent néanmoins au solaire. « On stagne complètement, déplore Gabriel Durany. Pendant ce temps-là, le Vermont – qui a le même climat et grosso modo le même profil énergétique que nous – annonce de nouveaux partenaires chaque année. »

Le président de Letenda estime pour sa part qu’il est difficile de trouver des investisseurs qui maîtrisent bien l’industrie.

Un écosystème financier mieux adapté à notre secteur nous aiderait. L’alignement entre les besoins, la solution et l’utilisation des projets de développement durable reste aussi à peaufiner.

Nicolas Letendre, président de Letenda

Cette remarque fait réagir Jean-François Béland, vice-président de Ressources Québec, une filiale d’Investissement Québec. « L’énergie propre n’a dans certains cas pas 100 ans d’histoire, mais l’expertise se développe même si la communauté est très petite », croit-il.

Selon lui, le problème vient surtout du fait qu’au Québec, « on ne connaît essentiellement que l’hydroélectricité ». « Entre la réalité technique et les connaissances financières, les outils existent de plus en plus malgré les facteurs de risque. »

Ressources Québec a d’ailleurs mis en place depuis l’automne dernier une stratégie énergie, qui repose sur des piliers de développement. « On n’a pas la vocation d’investir dans les domaines reconnus, mais plutôt dans les filières énergétiques qui ont un avenir ici et qui ont besoin de capitaux », souligne Jean-François Béland. Le solaire pourrait par exemple bénéficier de cette initiative.

Tous unis

La réduction des gaz à effet de serre est un enjeu planétaire, rappelle Nicolas Letendre. La concurrence est donc mondiale. « Tout le monde veut offrir ses solutions. Ce n’est plus l’affaire seulement des jeunes pousses. Même les grandes entreprises se lancent dans les énergies renouvelables », constate-t-il.

Ce qui fait dire à Gabriel Durany qu’il faut revenir à la base. « On fait tout ça pour le climat. L’indice de performance est la baisse des GES », assure celui qui croit que la discussion est mal arrimée. « Parce qu’on leur dit que notre électricité est verte, les gens oublient que les énergies fossiles représentent 60 % de notre consommation énergétique. C’est un problème », martèle-t-il.

Jean-François Béland abonde dans le même sens.

Le frein de l’énergie renouvelable au Québec est le coût de l’énergie. Quand la population paiera le vrai prix de l’énergie, on verra des solutions innovantes apparaître.

Jean-François Béland, vice-président de Ressources Québec

Malgré tout, le dirigeant de l’AQPER demeure optimiste. « La hausse de la production d’énergie renouvelable est à notre portée. Si on veut réussir à atteindre l’ambitieuse cible de 2030, on doit toutefois mobiliser de l’argent et de l’expertise, et se mettre en action. »

Pour Gabriel Durany, cela signifie de déployer des initiatives de façon prévisible pour que « les investisseurs déversent les centaines de millions nécessaires pour construire les usines de carburant à basse intensité carbone, les centrales à l’hydrogène, les parcs solaires, les centrales de cogénération de biomasse, les parcs éoliens... » Tout ça, en respectant les spécificités des régions.

« Il faut penser l’énergie renouvelable comme un terroir. Chaque région a ses possibilités. Il n’y a pas de solution unique », croit M. Durany.