Elle a étudié jusqu’à la maîtrise en interprétation au piano, mais n’a jamais rêvé de faire carrière comme soliste. Marie-Josée Desrochers avait plutôt le sentiment que ses études lui permettraient d’évoluer dans le milieu culturel d’une manière ou d’une autre. Son intuition fut bonne ; après une longue carrière à l’Orchestre symphonique de Montréal et un perfectionnement à l’EMBA, elle est devenue PDG de la Société de la Place des Arts.

Nommée à la tête de l’organisation en 2019, la gestionnaire a exercé son rôle en pleine pandémie la majorité du temps. « En tant que cheffe de direction, c’est le moment ou jamais de démontrer du leadership, dit-elle. Je tenais à être très présente sur le terrain, tout en pensant au sortir de la crise. Il faut toujours avoir un pas devant pour amener l’équipe où on veut aller. »

Malgré l’annulation de milliers de représentations dans les six salles du complexe, son équipe s’est activée pour continuer de créer. « On a ouvert nos salles de répétition aux artistes, fait des appels de projets, transféré 850 000 $ en dons, été présents auprès des organisations artistiques, en plus de participer aux efforts de relance du centre-ville en animant l’esplanade en l’absence des festivals. »

Pour traverser la tempête, une compréhension fine des réalités du monde culturel s’avérait plus que nécessaire. C’est d’ailleurs l’un des atouts de Marie-Josée Desrochers, qui a toujours vu la musique comme un tremplin.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Marie-Josée Desrochers s’est inscrite à l’EMBA à McGill-HEC Montréal dans la mi-quarantaine.

À 16 ans, j’ai quitté Joliette pour étudier dans un cégep en musique, afin d’échapper à la profession d’avocate à laquelle on me destinait et pour venir à Montréal. J’ai embrassé le milieu artistique, mais pas forcément la musique classique.

Marie-Josée Desrochers, PDG de la Société de la Place des Arts

Elle avait pourtant un réel talent comme pianiste. « Je n’avais pas l’objectif de devenir soliste, mais j’avais déjà une vision de l’éducation musicale. J’ai toujours dit qu’on développe un public en enseignant, chose que j’ai commencée à 16 ans. Cela dit, quand j’ai terminé ma maîtrise, les baby-boomers étaient déjà en poste. »

Cela ne l’a pas empêchée d’évoluer en culture au Festival de Lanaudière, à Radio-Canada et à la radio de CISM, en plus d’étudier à HEC Montréal au programme de gestion d’organismes culturels et de gravir les échelons à l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM). D’abord dans le secteur du marketing et des communications. Puis en tant que cheffe de l’exploitation.

Puisque l’OSM offre un produit sur scène, on imagine moins que dans l’arrière-scène, il y a des gens qui essaient d’augmenter les revenus et d’établir des indicateurs de performance, mais l’organisation gère quand même un budget de 32 millions.

Marie-Josée Desrochers, PDG de la Société de la Place des Arts

Mme Desrochers n’était donc pas étrangère à la gestion d’organisations lorsqu’elle s’est inscrite à l’EMBA à McGill-HEC Montréal dans la mi-quarantaine. « À mi-carrière, c’est intéressant de se retrouver avec des gens de différents milieux qui ont beaucoup de bagage. J’avais besoin d’être confrontée à d’autres univers d’affaires. Pour ma part, j’ai conscientisé mes collègues au fait que la culture est aussi un milieu avec des enjeux de santé financière, une culture organisationnelle et la volonté de créer de la valeur. »

En effet, quiconque a déjà étudié la musique sait à quel point les acquis artistiques peuvent servir en affaires. « La musique m’a appris la discipline, la résolution de problèmes, la créativité, la capacité de travailler de longues heures, la cohésion sociale, l’écoute et la gestion du stress. Un professeur m’a déjà dit que la chose la plus difficile à accomplir, c’était un récital en piano. Il avait raison ! C’est très formateur. »

Déjà outillée lors de son entrée à l’EMBA, elle est sortie avec un coffre à outils encore plus complet. « Je suis allée chercher de nouvelles connaissances sur les affaires et l’écosystème. J’ai mis des mots sur des acquis et des expériences. Et j’ai profité de cette formidable période pour apprendre sur moi en faisant une introspection intense. »

Tout s’est mis en place pour l’aider à articuler sa vision de manière plus globale. « L’EMBA ne nous change pas, mais notre perspective et notre style de leadership évoluent. Aujourd’hui, j’ai une meilleure compréhension des affaires, un meilleur sens analytique et plus de confiance pour prendre des décisions en période de crise. »