La Fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ) célèbre cette année ses 40 ans avec, à sa tête, Julie Bissonnette, productrice laitière de 29 ans. Tout juste réélue pour un troisième mandat, elle représente 2000 des 8000 jeunes producteurs (de 18 à 39 ans) du Québec. Les grands enjeux d’une passionnée d’agriculture.

« Je suis née dans une ferme laitière et j’ai toujours adoré cette profession. J’ai fait mon cours en gestion d’entreprises et d’exploitations agricoles [GEEA] à l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec [ITAQ] de Saint-Hyacinthe. J’ai commencé à m’impliquer pour me créer un réseau, mais lorsque j’ai acquis ma ferme avec mon conjoint, mon besoin d’implication est devenu plus fort. Comment pouvais-je faire connaître ma réalité si je restais chez moi ? », dit Julie Bissonnette.

Des terres convoitées et chères

Selon un recensement du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) de 2021, la relève agricole est plus jeune aujourd’hui qu’elle ne l’était en 2016 (de 34 à 33 ans). La relève féminine s’est aussi légèrement accrue, passant de 27 à 29 %. Elle est aussi de mieux en mieux formée, près de 86 % des jeunes agriculteurs étant titulaires d’un diplôme d’études postsecondaires ou d’un diplôme d’études professionnelles. « La profession attire les jeunes, et pour preuve, les écoles d’agriculture sont pleines », affirme Julie Bissonnette.

Si la relève est au rendez-vous, le prix des terres est souvent un frein. « Nous avons acheté notre ferme en 2018 dans la municipalité de L’Avenir parce que nous étions rendus là. Déjà, le prix était [considérable] et dépassait le seuil de rentabilité pour une terre et des bâtiments, mais on ne voulait pas attendre parce que les prix n’arrêtaient pas de monter et il fallait déménager. On constate que peu importe la production, les enjeux sont similaires », explique la productrice.

Les chiffres tendent à lui donner raison puisque, selon un rapport de Financement agricole Canada (FAC), la valeur moyenne des terres agricoles a augmenté de 10 % seulement en 2021. Cette hausse est consécutive à des augmentations de 7,3 % en 2020 et de 6,4 % en 2019.

Les terres cultivables ne représentent que 2 % du territoire, il faut s’assurer que ceux qui achètent des terres agricoles les cultivent pour éviter qu’elles retournent en friche. Autre option, donner un avantage fiscal à ceux qui veulent exploiter la terre [par opposition à] ceux qui veulent en faire des [ensembles résidentiels] ou autres.

Julie Bissonnette, présidente de la Fédération de la relève agricole du Québec

Valoriser la profession agricole

Changements climatiques, augmentation du coût des intrants, financement à améliorer, Julie Bissonnette partage nombre d’inquiétudes avec ses collègues. « La gestion de l’eau est devenue un enjeu majeur. L’été passé, plusieurs puits étaient à sec, mais on manque de ressources pour aider les producteurs à y faire face. Même chose pour les pesticides, aucun membre de la relève n’a envie de les utiliser et est prêt à faire les changements, mais il faut plus d’accompagnement et de recherche pour trouver des solutions de rechange qui s’adaptent à notre réalité. »

Quant au financement, la jeune femme en a long à dire sur le sujet. « Les règles de financement ne sont pas toujours adaptées pour une ferme qui commence et on ne suit pas l’inflation. Résultat, on manque de fonds de roulement et on se retrouve à devoir acheter de la machinerie, des outils, du bétail de moindre qualité qui finalement coûtent plus cher que du neuf. Tout cela afin que la roue tourne suffisamment pour se rapprocher un peu de la rentabilité. Dans de telles conditions, ce n’est pas étonnant que 42 % de la relève travaille à l’extérieur, y compris moi. »

Lourde pression

Julie Bissonnette le répète sans cesse, l’agriculture est une affaire de passion, mais celle-ci est mise à mal lorsque des activistes s’invitent dans les fermes ou que des internautes se mettent à les injurier sur les réseaux sociaux.

« On se fait traiter de pollueurs, d’exploiteurs d’animaux, etc. On est conscients qu’on va vivre avec ça toute notre carrière et ça pèse lourd sur la motivation. La seule solution est de continuer à faire de l’éducation populaire et des visites de ferme et c’est maintenant à notre tour de prendre ce rôle », dit-elle.

En savoir plus
  • 4817
    Nombre de producteurs laitiers actifs au Québec en 2019 (détenteurs de quotas)
    SOURCE : MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE, DES PÊCHERIES ET DE L’ALIMENTATION