Plus de 70 ans après la construction du premier pont routier en aluminium au Québec, le métal gris peine encore à se tailler une place dans nos infrastructures. Un groupe de recherche s’attelle néanmoins à changer la donne.

L’aluminium n’a plus de secrets pour Mario Fafard. Celui qui a été professeur au département de génie civil et de génie des eaux de l’Université Laval pendant plus de 30 ans l’a étudié sous toutes les coutures. Il s’est notamment penché durant de nombreuses années sur l’amélioration des procédés de production.

Depuis l’implantation de la Stratégie québécoise de l’aluminium en 2015, l’ingénieur civil est revenu à ses racines, la conception de ponts. Il a entre autres conçu un platelage d’aluminium pour le ministère des Transports du Québec (MTQ). Pour les moins calés en génie civil, Mario Fafard explique : « Sur un pont, il y a des dalles de béton soutenues par des poutres d’acier. Dans ce cas-ci, le platelage d’aluminium remplace les dalles de béton. »

Lorsqu’on lui demande pourquoi il s’intéresse tant à ce matériau, le spécialiste mentionne d’emblée le pont d’Arvida, au Saguenay. « C’est le premier pont routier en aluminium au monde et il ne nécessite presque pas d’entretien. En 72 ans, on n’a jamais sablé la surface parce que l’aluminium résiste à la corrosion atmosphérique. Ça en fait un matériau de choix pour les ponts et les passerelles », souligne ce passionné.

« Jusqu’à trois fois moins cher »

Le chercheur a aussi participé à une analyse du cycle de vie et des coûts totaux des ponts en béton et en aluminium, basée sur les données du MTQ. « L’aluminium étant plus cher que le béton, le pont coûte plus cher au départ, admet Mario Fafard. Mais sur 75 ans, à part le revêtement antidérapant qui doit être renouvelé tous les 25 ans, il n’a pas besoin d’entretien. Le pont de béton, lui, doit être réparé après 15 et 25 ans. On doit aussi détruire et refaire la dalle de béton après 50 ans. »

PHOTO ÉTIENNE BOUCHER, FOURNIE PAR L’UNIVERSITÉ LAVAL

Avec son équipe, Mario Fafard, professeur invité au département de génie civil et de génie des eaux à l’Université Laval, essaie de développer le premier pont 100 % en aluminium.

En cumulant tous les coûts et en les actualisant en dollars d’aujourd’hui, un pont avec une dalle de béton coûtera jusqu’à trois fois plus cher qu’un pont en platelage d’aluminium.

Mario Fafard, professeur invité au département de génie civil et de génie des eaux de l’Université Laval

Une première mondiale

Les recherches de Mario Fafard ne s’arrêtent pas là. Le responsable du chantier Infrastructures et ouvrages d’art d’AluQuébec a maintenant uni ses forces avec des professeurs de l’Université Laval et de l’Université du Québec à Chicoutimi, de même qu’avec des membres de l’industrie.

Ensemble, ils essaient de développer un pont 100 % en aluminium, y compris les poutres et le platelage. Une première. « Il n’y en a nulle part ailleurs sur la planète », souligne Mario Fafard.

Plutôt que de souder les éléments à l’arc, comme c’est habituellement le cas, l’équipe veut se servir de la soudure à froid. « Cette technologie est utilisée en aéronautique, dans les voitures et les navires. Ça nous permettrait d’avoir de meilleures propriétés d’aluminium et d’optimiser l’assemblage. Ça réduirait aussi les coûts. » Mario Fafard remarque que la construction serait en outre beaucoup plus rapide. « Le pont en aluminium serait fait en usine et installé en cinq jours sur le chantier. »

La phase de financement du projet de recherche est en cours. « On espère avoir un concept qui tient la route en 2025 pour éventuellement réaliser un prototype », précise Mario Fafard. Au moins 300 ponts ont besoin d’être remplacés dans la province, selon le MTQ. Les chercheurs auront donc l’embarras du choix quand viendra le temps de mettre leur idée à l’épreuve.