En pleine crise climatique, comment gérer les milliards de mètres cubes d’eau qui s’écoulent dans les rivières du Québec quand on ignore quel scénario s’imposera dans les décennies à venir ? C’est le défi quotidien d’Élyse Fournier, ingénieure et hydrologue pour la société d’État.

Sortie de l’école il y a une dizaine d’années, avec un baccalauréat et une maîtrise en génie civil, doublés d’une spécialisation en hydrologie, Élyse Fournier tente de prévenir l’imprévisible.

« Mon travail, c’est de calculer combien d’eau passe dans nos barrages et nos équipements, quand et comment, en quelle quantité, quel volume, avec quel genre de pointes, dans le but d’assurer la sécurité des barrages et de prévoir quels changements il faut apporter aux installations », explique-t-elle.

À coups de simulations, basées sur des modèles numériques de prévision de changements climatiques, elle mesure et calcule ce qui peut survenir. « Les gens croient qu’en tant qu’hydrologue, on est des amoureux de la nature, toujours à travailler dehors, dit en rigolant l’ingénieure de 35 ans, mais en vérité, on est beaucoup devant nos ordinateurs, à valider et à récupérer des données. »

L’accélération du réchauffement

Le réchauffement climatique force Mme Fournier et ses collègues à jongler avec une multitude de possibilités allant d’une situation catastrophe à une plus optimiste.

Les premiers signaux de réchauffement datent des années 1970-1980. À l’époque, les moyennes de températures étaient tout de même stables. Aujourd’hui, les modèles changent vite, qu’on pense à la température, aux vents, aux précipitations, au débit de l’eau…

Élyse Fournier, ingénieure et hydrologue chez Hydro-Québec

Cette accélération des changements climatiques a un impact majeur sur les tâches et responsabilités de l’équipe d’hydrologues d’Hydro-Québec : les scénarios se multiplient, tout comme les projections et la quantité de données à traiter. Cela entraîne un autre défi : adapter les outils informatiques pour être en mesure de suivre la cadence.

Et jusqu’ici, comment cette spécialiste en changements climatiques perçoit-elle les choses ? « On a du pain sur la planche, déclare-t-elle. On développe jour après jour notre expertise et nos connaissances. »

Le porte-parole d’Hydro-Québec, Francis Labbé, rappelle que la société d’État a participé il y a 20 ans à la mise sur pied d’Ouranos, un centre de recherches qui s’intéresse à différents enjeux climatiques et à leurs répercussions pour la société québécoise. Et même s’il indique que « les infrastructures sont toujours sécuritaires et optimales en ce moment », il précise qu’une réflexion est amorcée quant aux investissements à faire, à moyen et long terme.

Il cite en exemple la crue historique du printemps 2019 : la capacité de la centrale de Carillon, dans les Laurentides, a atteint un record, avec 9600 m⁠3 d’eau à la seconde, pour une capacité de 14 000 m⁠3 d’eau à la seconde. « On voit qu’on a encore de la marge, commente-t-il. Hydro-Québec a un devoir civil, moral et légal, devant des ouvrages vieillissants, de penser aux changements et adaptations à faire, pour les décennies à venir. »

Malgré ses constats quotidiens, Élyse Fournier refuse d’être pessimiste devant la crise écologique annoncée. « D’un point de vue personnel, je suis triste, glisse-t-elle, triste de voir que la durée de la saison de ski et de patinage va en diminuant et qu’il devient de plus en plus difficile de jouir de la saison estivale à cause des nombreuses vagues de chaleur. D’un point de vue de citoyenne du monde, j’ai peur du temps que ça nous prend à réagir… Nous ne sommes pas encore dans une phase de mouvement global, malheureusement. Je dois cependant dire que j’ai espoir qu’on réussira à stabiliser le climat. J’ai confiance en la capacité d’adaptation de l’être humain et en sa capacité de relever le défi. »