Si le climat québécois est dur pour le réseau routier, les changements climatiques amplifient les problèmes. Certains secteurs, comme les Îles-de-la-Madeleine, sont plus vulnérables que d’autres. Mais des solutions existent pour limiter les dégâts.

Îles-de-la-Madeleine, novembre 2018. Plusieurs tempêtes se sont abattues sur les côtes, avec des vents allant jusqu’à 130 km/h et de puissantes vagues qui ont englouti des mètres de plage.

« Plus le niveau des plages baisse, plus l’énergie des vagues des tempêtes suivantes crée des dommages », explique Mathieu Leclerc, ingénieur civil et chef d’équipe du module des aléas naturels et de l’adaptation aux changements climatiques de la direction générale du Bas-Saint-Laurent–Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine au ministère des Transports.

PHOTO FOURNIE PAR LE MINISTÈRE DES TRANSPORTS DU QUÉBEC

Les 28 et 29 novembre 2018, une tempête a causé un recul de la dune de près de 15 m. Une pelle fait un travail de protection minimale de la berge pendant la tempête.

Des solutions à long terme

C’est ce qui s’est passé dans le secteur de la route 199 qui longe le village de Pointe-aux-Loups. « Sur plusieurs kilomètres, la route est bâtie sur une dune végétalisée des deux côtés, mais les tempêtes de 2018 ont causé une submersion », indique M. Leclerc.

Dans l’urgence d’agir, un enrochement a été fait en 2019 sur une portion d’une centaine de mètres. Puis, des travaux d’enrochement ont été réalisés en 2021 pour protéger une section de 1,2 km de la route. « Mais, l’enrochement n’est pas la solution idéale sur une plage, indique l’ingénieur. Il faut plutôt recréer le milieu naturel, donc réaliser une recharge de plage. »

Normalement, la plage s’érode avec les tempêtes et se recharge par la suite naturellement, mais lorsque l’infrastructure est trop proche de l’eau, le processus n’a pas le temps de se faire avant que les dommages soient causés.

Mathieu Leclerc, ingénieur civil

L’un des défis, c’est la quantité de sable nécessaire pour recharger la plage à Pointe-aux-Loups. « Nous avons besoin de 900 000 m3 pour ensabler 5 km, indique-t-il. C’est astronomique ! Et ça prend du sable naturel. Nous devons donc innover. »

Plusieurs stratégies sont étudiées. Notamment, un projet est prévu en 2023 pour récupérer 100 000 m3 de sable du dragage réalisé pour le passage des bateaux dans le chenal et qui est généralement rejeté en haute mer. Ce sable récupéré sera ensuite utilisé pour recharger la plage. « Nous avons déjà réalisé de petits projets du genre, pour 5000 ou 10 000 m3, mais ce sera notre premier projet d’envergure », précise M. Leclerc.

PHOTO FOURNIE PAR LE MINISTÈRE DES TRANSPORTS DU QUÉBEC

On voit ici l’enrochement de 140 m (en cours de construction).

Tenter de prédire l’avenir

Les dommages causés par les aléas naturels ne sont plus tellement des surprises. Le ministère des Transports suit les changements climatiques depuis les années 2000.

Nous faisons évoluer nos normes de calcul, par exemple en amplifiant le débit des rivières qui est occasionné par la multiplication des orages forts de courte durée, pour en évaluer les impacts sur nos structures et nos infrastructures.

Sophie St-Jacques, ingénieure civile et directrice de l’hydraulique au ministère des Transports

Les données des niveaux d’eau dans les rivières lors des crues printanières et les hauteurs des vagues atteintes pendant les tempêtes sont récoltées pour ensuite faire des modélisations et, ainsi, évaluer la submersion et l’érosion des berges.

« On fait ces évaluations pour le court terme afin de prévoir les travaux qui seront à faire en urgence, explique Mme St-Jacques. Ces évaluations nous permettent aussi de tracer des tendances à long terme pour nous assurer que nos infrastructures aient une espérance de vie assez longue. »

PHOTO FOURNIE PAR LE MINISTÈRE DES TRANSPORTS DU QUÉBEC

On voit à quoi ressemblait la berge le 19 décembre 2018 avec les petits enrochements qui ont été faits en urgence.

Un élément à suivre de près : le couvert de glace sur le fleuve. « La glace protège les côtes, mais elle arrive de plus en plus tard dans l’hiver et disparaît de plus en plus tôt, alors les dommages s’amplifient », affirme-t-elle.

À quel point pourra-t-on jouer contre les forces de la nature ? Ne serait-il pas préférable d’éloigner les infrastructures des cours d’eau ? « C’est une question que nous nous posons constamment, concède Mathieu Leclerc. C’est possible parfois de déplacer des routes, par exemple sur la Côte-Nord où il y a de l’espace. C’est plus difficile en Gaspésie parce que les gens sont installés le long de la route. Mais, chose certaine, les impacts des changements climatiques ne font que commencer à se faire ressentir, alors il faudra continuer à s’adapter. »