L’industrie aérospatiale veut accélérer la décarbonisation de son secteur à l’échelle planétaire. Concrètement, par rapport à 2005, elle veut réduire de 50 % les émissions de CO2 d’ici 2029. Selon Suzanne Benoît, PDG d’Aéro Montréal, et Alain Aubertin, PDG du CRIAQ, le Québec a tout ce qu’il faut pour tirer son épingle du jeu dans cette course à l’innovation verte. Survol.

Malgré les contrecoups associés à la COVID-19 au sein de l’industrie québécoise, notamment une baisse des commandes d’aéronefs et de pièces d’avions avoisinant les 40 % et près de 5000 emplois perdus dans le secteur, Suzanne Benoît demeure très optimiste pour la suite des choses.

« Ce n’est pas une mode passagère, c’est une transformation mondiale, explique la grande patronne de la grappe aérospatiale du Québec. Les entreprises québécoises travaillent sur le virage vert de l’aérospatiale depuis 2009. Là, on va accélérer le mouvement. On est les mieux positionnés pour faire avancer plusieurs projets. On a tous les atouts. Et nos gouvernements y croient. »

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Suzanne Benoît, grande patronne de la grappe aérospatiale du Québec

Mme Benoît donne l’exemple de l’Airbus A220, initialement connu sous le nom de C Series de Bombardier. Cet avion, parmi les plus innovants au monde, a été conçu et assemblé en majorité dans la grande région de Montréal où, dans un rayon de 30 km, sont concentrées 98 % des entreprises d’aérospatiale de la province.

La majorité des PME et des grandes entreprises québécoises du secteur de l’aérospatiale sont donc déjà à l’œuvre dans les différentes filières qui permettront de créer des avions plus propres. Les moteurs hybrides électriques, les biocarburants, les technologies d’avionique (outils de navigation), l’aérodynamisme et la numérisation des opérations en sont autant d’exemples.

Moteurs hybrides, biocarburants, etc.

Selon Alain Aubertin, PDG du Consortium de recherche et d’innovation en aérospatiale au Québec (CRIAQ), ce ne sont pas les projets qui manquent, que ce soit dans les universités, les centres de recherche ou les entreprises.

Il cite en exemple l’électrification des moteurs d’avion qui passera, notamment, par la densification de batteries. L’Université de Sherbrooke, l’École de technologie supérieure (ETS), de même que des entreprises établies à Montréal, dont Maya HTT, y travaillent.

La production de biocarburants et d’hydrogène pour les aéronefs bat également son plein au Québec grâce à des travaux de recherche menés, conjointement ou non, par l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), Pratt & Whitney, Hydro-Québec et Enerkem.

Idem pour l’optimisation de la navigation des aéronefs, projet auquel sont associées Polytechnique Montréal et les entreprises québécoises Globvision et CMC Electronics.

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Alain Aubertin, PDG du Consortium de recherche et d’innovation en aérospatiale au Québec

Je suis optimiste, mais je suis également lucide. Oui, il faut bouger, mais il faut surtout avoir une feuille de route. C’est l’une des missions qu’on s’est données au CRIAQ. Il faut éviter le saupoudrage à droite et à gauche. Le secteur doit être très bien structuré. Il faut maintenir les forces du Québec.

Alain Aubertin, PDG du CRIAQ

M. Aubertin rappelle que le Québec doit se positionner face à une concurrence toujours aussi féroce ailleurs dans le monde, notamment en Europe, où le secteur de l’aérospatiale profitera d’une importante partie du programme « Horizon Europe », doté d’une enveloppe de quelque 100 milliards d’euros (149 millions CAN) sur sept ans.

Au Canada, le gouvernement fédéral a annoncé à la mi-avril, dans son plus récent budget, un soutien financier de 1,75 milliard sur sept ans destiné à l’industrie aérospatiale. Cet argent frais servira à la transformation technologique du secteur, mais aussi à sa transition verte. Dans la même semaine, le ministère québécois de l’Économie avait annoncé une enveloppe de 49 millions que 12 entreprises se partageront dans le développement de l’avion de demain.

Après Toulouse (siège social d’Airbus) et Seattle (Boeing), le Québec est le troisième pôle mondial en aérospatiale, selon Aéro Montréal.