La Bêlerie, une ferme d’élevage d’agneaux de Cowansville, fait partie des nombreuses entreprises de transformation alimentaire durement touchées par la COVID-19. Grâce à la détermination de ses dirigeants, cette PME de 30 employés a toutefois survécu à la crise. Elle en est même ressortie plus forte et multiplie les projets.

Myriam Langlois et son conjoint Jamie Schofield se souviendront longtemps du vendredi 13 mars 2020. Les deux copropriétaires de La Bêlerie recevaient, ce jour-là, la visite d’un inspecteur du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) afin d’obtenir un permis d’exploitation pour leur nouvelle usine de transformation et leur atelier de découpe.

« Pendant sa visite, l’inspecteur a appris qu’on s’en allait en confinement, explique Myriam Langlois. On a failli ne pas obtenir notre permis. Toutefois, du jour au lendemain, notre carnet de commandes a chuté de 75 %. On venait d’investir près de 1 million dans nos nouvelles installations. »

Les ententes de distribution (supermarchés et autres boucheries) ont soudainement été suspendues. L’heure était grave : ou bien la PME mettait la clé sous la porte ou bien elle trouvait une solution.

On s’est lancés dans la livraison de produits surgelés à domicile. On a rapidement monté un site web et on a rejoint les gens par les médias sociaux. On faisait 150 livraisons par semaine. On a travaillé 16 heures par jour pendant deux mois. Notre équipe a été exemplaire.

Myriam Langlois, copropriétaire de La Bêlerie

À l’approche de l’été, les affaires ont repris rondement. Sobeys, notamment, a listé des produits à base d’agneau de La Bêlerie. Et les ventes à domicile ont été maintenues.

L’entreprise planche actuellement sur l’ouverture d’un abattoir d’agneaux. Retardé par la COVID-19, ce projet est à nouveau sur les rails. Le nouvel abattoir permettra à La Bêlerie de vendre ailleurs au Canada et d’exporter ailleurs dans le monde. La PME, qui transforme environ 200 agneaux par semaine, est en concurrence avec l’agneau de l’Ouest canadien et celui de la Nouvelle-Zélande.

PHOTO STÉPHANE CHAMPAGNE, COLLABORATION SPÉCIALE

« Notre objectif est de démocratiser l’agneau, de démontrer que ce n’est pas un produit de luxe », fait valoir Myriam Langlois.

Appliquant déjà à la lettre les règles de salubrité, La Bêlerie a dû rehausser de plusieurs crans ses pratiques à cet égard en marge de la pandémie. « Les gants, les masques, les visières, tout ça coûte très cher. Certains items ont carrément doublé de prix », déplore la femme d’affaires.

Nouvelles réalités

Les entreprises du secteur de la transformation alimentaire ont vécu la pandémie de différentes manières, soutient Sylvie Cloutier, PDG du Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ).

Par exemple, pendant que les transformateurs de viande faisaient face à de grands défis liés aux mesures sanitaires, certaines entreprises (producteurs de légumes surgelés, de levures, boulangeries, etc.) connaissaient une croissance fulgurante. Idem pour les boîtes de repas (Cook it, Goodfood, etc.).

La pandémie a amplifié le phénomène de pénurie de main-d’œuvre, ajoute-t-elle. Les problèmes d’approvisionnement (surtout les emballages) également.

Aussi, même si les ventes en épicerie ont explosé, surtout en début de pandémie, cela n’a pu compenser les lourdes pertes (- 30 %) dans les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration et des marchés institutionnels privés et publics (HRI), explique Mme Cloutier.

Selon Charles Lavigne, directeur général du Centre de développement bioalimentaire du Québec (CDBQ), la COVID-19 a changé bien des habitudes. « Les entreprises sont plus que jamais à la recherche d’ingrédients locaux, dit-il. On assiste également à une augmentation de la valorisation des résidus alimentaires. Tout cela s’inscrit dans le mouvement d’autonomie alimentaire. »

Enfin, ajoute M. Lavigne, un nombre croissant de PME se sont tournées vers le commerce en ligne. « La distribution est la vraie révolution en lien avec la COVID. C’est un changement en profondeur qui va rester », croit-il.

En 2019 (plus récents chiffres disponibles), le secteur québécois de la transformation alimentaire comptait 1400 entreprises employant 74 000 personnes, pour des ventes de 32 milliards.