Le Québec a su se tailler une place dans l’industrie mondiale de l’aluminium grâce à sa source d’énergie propre. Il entame maintenant une nouvelle phase de développement. De plus en plus d’entreprises d’ici imaginent de nouvelles façons d’utiliser le matériau pour elles aussi s’attaquer à des enjeux environnementaux.

C’est le cas de Conception navale FMP. Cette entreprise familiale gaspésienne a développé un concept de bateaux de pêche en aluminium à propulsion hybride. Il s’agit de bateaux de 35 à 45 pieds (de 10 à 14 mètres), utilisés pour la pêche au homard, par exemple. « L’une des grandes valeurs ajoutées, pour le client, c’est la réduction du bruit », dit Patrick Fortier-Denis, ingénieur maritime de l’entreprise qui compte une trentaine d’employés.

PHOTO FOURNIE PAR CONCEPTION NAVALE FMP

Le Ti-Willy est le tout premier homardier en aluminium construit par Conception navale FMP.

Une unité hydraulique traditionnelle qui est située sur le pont émet des sons de 90 à 95 décibels, souligne M. Fortier-Denis, ce qui est comparable au bruit fait par une tondeuse à gazon. « Ça rend l’expérience de la pêche beaucoup moins agréable, explique-t-il, les pêcheurs travaillent toute la journée avec ce bruit dans les oreilles... »

Or, ces bruits sont grandement réduits lorsque la source d’énergie du bateau est l’électricité... « Ça ne tombe pas à zéro, mais on coupe selon moi de 90 à 95 % des bruits », précise Patrick Fortier-Denis.

PHOTO FOURNIE PAR CONCEPTION NAVALE FNP

Le Pashtiennis est un bateau multifonction pour le Conseil des Montagnais de Natashquan.

Cette innovation est possible entre autres parce que le poids du bateau, dont certaines composantes sont en aluminium, est plus faible. « On doit compenser pour le poids ajouté par la batterie », dit l’ingénieur de Conception navale FMP, entreprise fondée à Newport par deux frères et leur père en 2017.

En plus de réduire les émissions de gaz à effet de serre, le nouveau bateau fonctionnera avec une batterie facilement rechargeable, en six à huit heures. « C’est l’équivalent d’une voiture compacte électrique », illustre M. Fortier-Denis en soulignant que le bateau en aluminium a une meilleure durée de vie que celui en fibre de verre.

La mise en production commencera l’été prochain, et un prototype devrait être présenté avant août 2021. Quant au prix, il est pour le moment de 20 à 25 % plus élevé que le bateau à essence, « mais on travaille encore à baisser les coûts », glisse Patrick Fortier-Denis, qui se dit conscient des enjeux d’acceptabilité du marché... tout en demeurant optimiste. « Il y a une nouvelle réalité écologique, on n’y échappe pas », laisse-t-il tomber.

Une nouvelle réalité environnementale

Cette réalité écologique force à repenser les méthodes et façons de faire des entreprises, incluant le choix de matériaux.

L’aluminium se démarque parce qu’il baisse le coût total de possession, c’est-à-dire en comptant tous les coûts d’exploitation et d’entretien liés à la durée de vie, et en tenant compte de l’empreinte écologique aussi.

François Racine, président et directeur général par intérim d’AluQuébec

Il cite en exemple les pays scandinaves, où la « culture du beau et du durable » est dominante, entre autres dans la construction d’infrastructures comme les ponts et les passerelles. « C’est une question de valeurs, de choix de société et de décisions gouvernementales, note-t-il. L’enjeu, c’est de se demander : “est-ce qu’on en a pour notre argent ?” tout en gardant en tête les perspectives de responsabilités financières et environnementales. »

Outre les secteurs du transport commercial et public, de la construction et des infrastructures, le secteur qui utilise de l’aluminium et qui est à suivre est celui des produits d’emballage, croit M. Racine. « Une cannette en aluminium se recycle à l’infini, commente-t-il. En 60 jours, elle passe de la tablette à la maison du consommateur au bac de recyclage, et elle revient sur la tablette ! Elle est légère, plus compacte, se transporte mieux, fait baisser les gaz à effet de serre... »

Au Québec, aucune entreprise ne fabrique de cannettes, mais Stobia, une entreprise qui a lancé ses activités en décembre à Jonquière, vise à produire 100 millions de contenants et de produits d’emballage alimentaires en aluminium dans sa première année.