La grappe aérospatiale québécoise est concentrée à 95 % dans la grande région de Montréal, mais il se trouve des secrets bien gardés en région. Laflamme Aero, de Saint-Joseph-de-Coleraine, près de Thetford Mines, en est un bel exemple. Cette PME spécialisée dans le développement et la fabrication d’hélicoptères à rotor en tandem télépilotés a récemment attiré l’attention du géant américain de la défense General Dynamics.

L’hélicoptère de la PME, le LX300, fait 1 m de large sur 3 m de long. On dirait un jouet surdimensionné. Mais cet appareil, dirigé à distance par un pilote au sol, est tout sauf ludique. Il fait actuellement l’objet de tests avec la Marine royale canadienne, qui entend l’utiliser pour effectuer de la surveillance en amont à des distances pouvant atteindre 80 miles nautiques (148 km).

C’est pour ce genre d’application militaire que General Dynamics vient d’injecter des fonds (somme non dévoilée) dans Laflamme Aero, devenant ainsi actionnaire. Investissement Québec est lui aussi monté à bord en y allant d’une participation de 1,9 million de dollars. Dans la foulée, les deux nouveaux actionnaires financent un centre d’excellence à Sherbrooke pour les technologies de systèmes d’aéronefs télépilotés (SATP).

General Dynamics va profiter de notre expertise et nous, de la leur. On va pouvoir se concentrer sur la fabrication des meilleurs appareils.

Enrick Laflamme, président de Laflamme Aero

L’entreprise a également des visées dans le secteur civil, précise le dirigeant. « Cartographier des territoires, aider à combattre des incendies de forêt, transporter du matériel en région éloignée, ravitailler une plateforme pétrolière ou une mine, ou encore effectuer des sauvetages, cite-t-il en exemples. Le défi, c’est de miser sur les meilleures utilisations. »

IMAGE FOURNIE PAR LAFLAMME AERO

L’hélicoptère LX300 fait 1 m de large sur 3 m de long. Il fait actuellement l’objet de tests avec la Marine royale canadienne.

Laflamme Aero se distingue de ses plus proches rivaux (européens, pour la plupart) à plusieurs égards. Son LX300 a une capacité de charge de 180 kg, ce qui le situe entre le drone et l’hélicoptère à turbines. Autre avantage du mini-hélico fabriqué en Chaudière-Appalaches : il est propulsé par un moteur thermique lui conférant une autonomie de vol d’environ 10 heures.

La PME de 25 employés (aux trois quarts des ingénieurs et des techniciens) est un vrai laboratoire. L’une des forces de Laflamme Aero : la fabrication de pales, de même que la capacité d’adapter et de personnaliser son hélicoptère (logiciels, caméras, etc.) selon la nature du projet. Le prix d’un LX300 oscille entre 1 et 5 millions.

Une histoire hors du commun

Comment diable une PME aussi singulière a-t-elle pu voir le jour dans un village d’à peine 1800 âmes ?

Mon père Réjean a entrepris de construire son propre hélicoptère il y a plusieurs années. Ados, mon frère David et moi lui donnions un coup de main. On a grandi là-dedans.

Enrick Laflamme, président de Laflamme Aero

Depuis 2012, les frangins (tous les deux techniciens et ingénieurs mécaniques) ont pris la relève, et ils sont sur le point de conclure leur première vente aux Forces armées canadiennes.

Les frères Laflamme ont en partie financé la PME avec les profits du bureau de génie-conseil qu’ils dirigeaient avant de faire le saut dans l’entreprise de leur père.

En cette ère de pénurie de main-d’œuvre et malgré le fait qu’elle soit loin des grands centres, la PME a su créer une équipe de choc en aérospatiale. « C’est plus pour l’équipe administrative qu’on a de la difficulté à recruter », dit le chef d’entreprise.

PHOTO CHRISTIAN FLEURY, FOURNIE PAR LAFLAMME AERO

Le LX300, vendu entre 1 et 5 millions, est dirigé à distance par un pilote au sol.

Outre la détermination de Réjean Laflamme (toujours présent pour donner un coup de main) et de ses fils, c’est également grâce à la grappe aérospatiale du Québec si la PME est aussi bien positionnée. « Le Québec, explique Enrick Laflamme, est un des rares endroits dans le monde où on a accès à autant d’entreprises spécialisées en aérospatiale. Ça aide beaucoup. »

À terme, l’entreprise souhaite devenir un leader dans la catégorie des SATP. « C’est un secteur en développement qui n’est pas encore complètement réglementé, mais qui va permettre d’avoir accès à encore plus d’espace aérien. Ça nous stimule. »