Le virage environnemental chez les avionneurs et leurs sous-traitants était déjà amorcé, et la pandémie n’aura fait qu’accélérer les choses. Résultat, tout le monde vire au vert, ce qui ajoute une pression sur le secteur québécois de l’aérospatiale, qui se relève lentement de la pandémie. Selon Suzanne Benoit, PDG d’Aéro Montréal, plus une organisation sera innovante, plus elle pourra tirer profit de la nouvelle manne verte.

Motorisation hybride et éventuellement à l’hydrogène, biocarburants, avions plus légers et aérodynamiques, la liste des innovations vertes en cette ère d’écomobilité aérienne est longue et diversifiée. Et cette révolution verte devra se faire dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre. Toute une commande.

« La reprise risque d’être brutale, car les attentes des grands avionneurs vont être élevées, soutient Mme Benoit. Ils veulent rattraper le temps perdu, tout en accélérant leur virage environnemental. Et dans certains cas, ils vont doubler leurs commandes. Nos PME devront travailler fort. »

La bonne nouvelle, poursuit la PDG de la grappe aérospatiale du Québec, est que les gouvernements sont là pour soutenir le secteur. Par exemple, le programme Mach Fab 4,0, visant à aider les PME dans la numérisation et l’automatisation de leurs activités, a récemment été reconduit par le ministère de l’Économie et de l’Innovation (MEI). À ce jour, 50 PME y ont pris part, pour un total de 32 projets terminés et 64 en cours.

Et trois grands donneurs d’ordres bien établis au Québec (Pratt & Whitney, Bell Textron et CAE) auront droit à une part de la cagnotte de 1,75 milliard que le gouvernement fédéral met à la disposition du secteur pour les sept prochaines années.

Aéro Montréal travaille par ailleurs à mettre en place une zone d’innovation en aérospatiale, de concert avec le MEI. « Notre grappe est établie à 98 % sur le territoire de la communauté métropolitaine de Montréal, rappelle Suzanne Benoit. Et là, on élargit nos horizons. On a commencé à travailler avec d’autres joueurs, comme Hydro-Québec et Air Liquide, pour aller encore plus loin. »

Joëlle Noreau, économiste principale chez Desjardins et auteure d’une étude économique sur le secteur québécois de l’aérospatiale, croit que les activités manufacturières devraient revenir à leur état d’avant la pandémie aux alentours de 2023.

C’est une industrie cyclique qui a déjà connu des moments difficiles. Et grâce notamment au développement de la C Series de Bombardier au cours de 15 dernières années, plusieurs entreprises québécoises ont développé une culture d’innovation, ce qui est de bon augure.

Joëlle Noreau, économiste principale chez Desjardins

Spécialisée dans la fabrication de pièces, notamment pour le motoriste Pratt & Whitney, dont elle est un fournisseur « Gold », la PME Groupe Meloche met les bouchées doubles ces temps-ci. « On a un plan sur cinq ans pour lequel on va investir entre 30 et 40 millions, explique Hugue Meloche, président. On termine actuellement la mise en place d’une cellule robotisée de 4 millions pour la production de pièces. »

Le chef d’entreprise qui possède des installations à Salaberry-de-Valleyfield, Montréal, Bromont et Beauharnois, n’a d’autres choix que de faire le pari de l’innovation. « On le fait, dit-il, par manque de main-d’œuvre, mais aussi pour être plus concurrentiels. Il faudra être capable de faire plus avec le même nombre d’employés. La reprise va être forte. On est dans un domaine qui demande beaucoup d’investissements, mais on est là pour longtemps. »

Au 31 décembre 2020, la grappe aérospatiale du Québec, forte d’un chiffre d’affaires de 15,8 milliards, comptait 36 100 travailleurs touchant un salaire moyen de 75 000 $.