« S’il manque une seule personne prévue parmi le personnel navigant d’un navire, celui-ci sera retenu à quai. Les pertes pour l’entreprise seront importantes. Et c’est sans parler des graves perturbations pouvant affecter les chaînes d’approvisionnement de plusieurs régions et industries. »

C’est le constat que fait Louise Bédard, directrice générale d’Armateurs du Saint-Laurent (ASL), lorsqu’elle parle des risques qu’encourent l’industrie maritime et l’ensemble de l’économie à cause d’une pénurie de main-d’œuvre qui ne cessera d’augmenter au cours des prochaines années si l’on ne réussit pas à attirer et à former les compétences nécessaires.

L’association représente 14 armateurs locaux qui transportent des marchandises et des passagers sur les eaux du Saint-Laurent, mais également sur les Grands Lacs, dans l’Arctique et dans les provinces maritimes.

L’industrie maritime au Québec compte près de 16 000 emplois directs et est responsable d’environ 8000 emplois indirects. Mais elle aura à pourvoir au cours des trois prochaines années quelque 4000 nouveaux postes, dont 3000 en personnel navigant. Il s’agira là d’un défi de taille, selon Mathieu St-Pierre, président et directeur général de la Société de développement économique du Saint-Laurent (SODES).

L’industrie du transport maritime est dans l’attente du dépôt par le gouvernement Legault d’une nouvelle stratégie maritime qui suggérera un plan d’action jusqu’en 2030, explique Louise Bédard.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Louise Bédard, directrice générale d’Armateurs du Saint-Laurent

Dans le cadre des consultations menées par la ministre déléguée aux Transports, Chantal Rouleau, nous avons été clairs que la question de la pénurie de main-d’œuvre était la priorité numéro 1 de l’industrie.

Louise Bédard

Une pause-pandémie

Déjà, l’industrie fait face à une pénurie de personnel, ce qui force des navires à demeurer à quai, compte tenu de la réglementation très stricte de Transports Canada. L’éclosion de la COVID-19 a ralenti l’activité du transport maritime, si bien que les problèmes liés à cette pénurie de main-d’œuvre sont moins criants.

« Mais il s’agit là d’une accalmie temporaire », dit Claude Mailloux, directeur général du Comité sectoriel de main-d’œuvre de l’industrie maritime (CSMOIM). Depuis déjà deux ans, on voit quelques navires qui restent amarrés faute de marins. « Ils ne sont pas encore très nombreux, mais ça donne le signal que le problème est latent et qu’il se manifestera dans toute son acuité lorsque l’activité retrouvera un niveau normal », dit-il.

De bons emplois, mais un manque de visibilité

L’industrie maritime offre de bons emplois, très bien rémunérés, mais ceux-ci manquent de visibilité. On entend peu parler des carrières dans le secteur, et cela nuit au recrutement.

Afin d’assurer un fonctionnement sécuritaire du transport maritime, la réglementation canadienne quant aux compétences exigées du personnel navigant est sévère, ce qui ne facilite pas non plus le recrutement à l’international, explique Louise Bédard. « Les exigences élevées quant aux brevets pour les travailleurs étrangers, ainsi que plusieurs lourdeurs administratives, constituent souvent des embûches à l’arrivée de personnel navigant étranger », dit-elle.

Au Québec, la formation du personnel maritime est donnée principalement par l’Institut maritime du Québec. Établi à Rimouski, l’Institut offre des programmes d’études entre autres en génie mécanique de marine, navigation et logistique du transport. Les personnes intéressées peuvent obtenir un diplôme d’études en matelotage.