Vous planifiez un projet qui demande une utilisation judicieuse de votre argent ? Vous avez des problèmes financiers ?

La situation

Stéphane*, 50 ans, est enseignant au niveau collégial en congé sans solde pour quelques années. Pendant cette période, il s’occupe comme travailleur autonome en services-conseils.

Son revenu annuel brut d’emploi a ainsi baissé de moitié (de 80 000 $ à 40 000 $), mais il espère remonter autour de 60 000 $ à sa deuxième année de travail autonome.

Dans ses actifs personnels, Stéphane a accumulé 100 000 $ dans son régime enregistré d’épargne-retraite (REER) autogéré.

Il a aussi accumulé dans le régime de retraite des employés gouvernementaux (RREGOP) un actif qui lui vaudrait une rente estimée à 31 400 $ par année après 65 ans.

En contrepartie, Stéphane n’a encore effectué aucune cotisation dans un compte enregistré libre d’impôt (CELI), et son REER demeure sous-utilisé. En tout, cela lui confère quelque 110 000 $ de cotisations inutilisées.

Sa conjointe, Marie*, aussi âgée de 50 ans, occupe un poste professionnel en santé qui lui procure un revenu brut d’environ 100 000 $ par année. Elle est aussi participante au RREGOP, où sa part d’actif accumulé lui vaudrait une rente estimée à 49 400 $ par an après 65 ans.

Dans ses autres actifs, Marie a accumulé 75 000 $ dans son REER autogéré alors que son CELI demeure vide. Par conséquent, Marie cumule près de 98 000 $ en cotisations inutilisées dans ces deux types de comptes à incidence fiscale.

Quant au bilan familial de Stéphane et Marie, qui sont parents de deux adolescents de 13 et 16 ans, le principal actif se compose de la résidence familiale, évaluée à 350 000 $, et d’un régime enregistré d’épargne-études (REEE) qui atteint 76 000 $.

Cet actif familial comprend aussi un compte d’épargne dont le solde est gonflé à 130 000 $ en conséquence de la revente récente d’un triplex résidentiel.

En contrepartie, le passif du bilan familial de Stéphane et Marie se limite au solde de 228 000 $ de l’emprunt hypothécaire contracté pour l’achat récent de la résidence en copropriété divise. Cet emprunt à taux variable (3,49 % courant) est prévu à échéance de renouvellement en 2023.

Les questions

Dans ce contexte, Stéphane et Marie s’interrogent surtout sur la meilleure façon de réutiliser les 130 000 $ en liquidités dont ils disposent.

« Nous avons l’impression de ne pas avoir été de grands épargnants au fil des ans, mais sans être dépensiers au point de s’endetter au-delà de l’hypothèque pour notre résidence familiale », explique Stéphane.

« Mais là, avec le capital obtenu de la revente du plex, on se demande comment nous pourrions nous “rattraper” en termes d’épargne dans notre bilan familial, en tenant compte aussi de l’optimisation de notre fiscalité à court et moyen terme. »

Entre-temps, l’évolution du budget familial préoccupe aussi Stéphane et Marie à la suite des ajustements importants à leurs revenus et leurs coûts résidentiels.

Avec des débours liés à la résidence avoisinant les 29 000 $ par année, en plus des 54 000 $ de débours liés à leur style de vie familiale, Stéphane et Marie appréhendent le fait qu’il leur reste trop peu de capacité d’épargne pour leurs projets et leurs besoins futurs.

Leurs préoccupations budgétaires sont-elles justifiées ? Si oui, comment les atténuer ?

La situation a été soumise pour analyse et commentaires à François Bernier, directeur en planification financière et fiscale à la société Financière Sun Life, à Montréal.

Les conseils

D’entrée de jeu, François Bernier constate la situation financière bien établie des conjoints Stéphane et Marie.

« Ils ont fait de bons choix jusqu’à maintenant, tant dans la gestion raisonnable de leur budget familial que dans la constitution d’un actif d’épargne à moyen et à long terme », signale M. Bernier.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

François Bernier, directeur en planification financière et fiscale à la société Financière Sun Life, à Montréal

Dans ce contexte, ses conseils à Stéphane et Marie à propos du meilleur usage des 130 000 $ récemment obtenus visent surtout à combler quelques lacunes constatées dans le bilan familial.

Et ce, en tenant compte de l’optimisation des impératifs fiscaux qui concernent le couple, tant dans leur situation courante que dans celle qui est prévisible à long terme.

Dans l’immédiat, François Bernier constate l’absence de comptes de « fonds d’urgence ».

« C’est toujours recommandé, surtout pour les familles avec des enfants d’âge mineur, de se constituer une réserve de liquidités suffisante pour couvrir jusqu’à six mois de dépenses courantes, afin de parer à des imprévus graves comme la perte d’un revenu par arrêt de travail », explique-t-il.

Comment s’y prendre ?

Dans la situation actuelle, un tel fonds devra s’élever autour de 42 000 $, estime M. Bernier. Pour le constituer, il leur recommande d’utiliser d’abord leur CELI respectif, dont les droits de cotisation accumulés s’élèvent à 63 500 $ chacun.

« Le CELI est suffisamment flexible d’utilisation, en dépôts et en retraits, pour servir de compte de fonds d’urgence. En plus, le rendement sur l’actif en CELI et les retraits subséquents ne sont pas imposables », rappelle M. Bernier.

Il conseille donc à Stéphane et Marie de verser chacun 21 000 $ dans leur CELI respectif dès cette année, à partir des 130 000 $ disponibles.

Cela fait, il leur restera un solde d’environ 88 000 $.

« Ils auront alors trois alternatives à considérer : cotiser davantage à leur REER ou à leur CELI respectif, ou plutôt accélérer le remboursement de leur prêt hypothécaire », résume François Bernier.

D’emblée, M. Bernier dit douter fortement de la pertinence fiscale et financière pour Stéphane et Marie d’accélérer le remboursement de leur prêt hypothécaire.

« La raison est relativement simple : le taux d’intérêt [3,5 %] du prêt hypothécaire demeure inférieur au rendement d’environ 4,5 % par année [net d’impôt] qui serait prévisible avec des placements de type “équilibré” dans un REER ou un CELI », explique François Bernier.

« Cependant, cette situation pourrait s’inverser en cas de hausse du taux d’intérêt sur le prêt hypothécaire d’ici son renouvellement prévu dans trois ans, ainsi que l’évolution du revenu imposable de Stéphane s’il retourne à son emploi à plein salaire. »

Pour le choix entre REER et CELI, François Bernier suggère d’orienter leur décision en fonction de leur niveau respectif de revenu imposable.

« Dans le cas de Stéphane, considérant que son revenu imposable de travail autonome est encore très inférieur à celui de son emploi d’enseignant à temps plein, il obtiendrait une meilleure efficacité fiscale en contribuant davantage à son CELI qu’à son REER, explique M. Bernier.

“Mais cette priorité au CELI serait à reconsidérer si Stéphane retourne à son emploi d’enseignant à salaire plus élevé.”

Dans le cas de Marie, cependant, ce sont des cotisations additionnelles au REER qui devraient primer des contributions accrues au CELI, estime François Bernier.

La raison ?

“Parce que son revenu d’emploi relativement élevé la situe déjà dans les échelons d’imposition supérieurs, il serait plus efficace au niveau fiscal pour Marie de privilégier des versements accrus à son REER, qui sont déductibles de son revenu imposable”, explique-t-il.

Cet avantage courant au REER découle aussi du constat que “le taux d’imposition courant de Marie est déjà beaucoup plus élevé que celui qui est prévisible lors de sa retraite, alors que ses retraits de REER seront considérés comme du revenu imposable”.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

Les chiffres

Stéphane, 50 ans

Revenu brut : 40 000 $
REER : 100 000 $

Marie, 50 ans

Revenu brut : 100 000 $
REER : 75 000 $

Actif conjoint 

Résidence évaluée à 350 000 $
Épargne en compte non enregistré : 130 000 $
REEE : 76 000 $

Passif conjoint : 
Emprunt hypothécaire : 228 000 $
Budget annualisé : 
Revenu familial brut : environ 140 000 $/an

Principaux débours : 
Vie familiale : environ 54 000 $/an
Résidence : environ 29 000 $/an