Les femmes se sont tranquillement taillé une place dans le monde des affaires depuis quelques décennies. Si des progrès notables ont été réalisés, il reste encore du chemin à parcourir. Des femmes d’affaires de profils différents ont accepté de faire part de leurs observations. Tour de table.

Se donner le droit d’apprendre sur le tas

« L’égalité des femmes arrivera lorsqu’on verra le même niveau d’incompétence chez les femmes que chez les hommes dans les postes de niveaux supérieurs », dit en riant Christiane Germain, coprésidente du Groupe Germain Hôtels.

L’entrepreneure réalise qu’on en demande beaucoup aux femmes et qu’elles sont aussi très exigeantes envers elles-mêmes.

« Les femmes veulent souvent tout savoir en partant. Mais lorsqu’on a les habiletés, il faut partir à l’aventure pour relever des défis en acceptant d’apprendre sur le tas. C’est ce que j’ai fait toute ma vie. »

Elle et son frère, Jean-Yves Germain, ont lancé leur entreprise il y a plus de 30 ans.

« Nous avons commencé avec un hôtel, on a appris. Nous en avons maintenant 18, bientôt 20 avec ceux en construction à Ottawa et Calgary. J’apprends encore. »

Elle n’a jamais senti que le fait d’être une femme a été un frein, même si elle sait que d’autres en ont souffert. Elle se réjouit maintenant de la présence de modèles féminins.

« Mes modèles étaient masculins, alors je me sentais parfois obligée de me comporter comme un homme, ce qui n’était pas nécessairement la meilleure chose à faire. »

De l’argent plus que du mentorat !

« Il y a beaucoup de mentorat offert pour les femmes, et même si c’est utile et bien intentionné, je trouve que c’est un peu paternaliste. Les femmes ont d’abord besoin d’argent. »

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Josette-Renée Landry, présidente fondatrice de Streamline Genomics

C’est l’opinion de Josette-Renée Landry, présidente fondatrice de Streamline Genomics. L’entreprise souhaite faciliter l’analyse génétique des tumeurs cancéreuses pour choisir les meilleurs traitements. C’est après avoir eu beaucoup de difficultés d’accès aux technologies de génomique lorsque sa mère a eu un cancer du sein que la docteure en génétique s’est lancée en affaires. Les programmes du Founder Institute à Montréal et de Techstars à New York, qui l’ont aidée à propulser son entreprise, étaient pratiquement paritaires. Alors qu’elle commence sa première ronde de financement pour pouvoir valider sa plateforme, elle sent un bon accueil. Mais elle constate aussi qu’il y a peu de femmes dans les comités de sélection. « La recherche prouve que ça nous nuit », affirme celle qui a aussi un MBA.

Josette-Renée Landry constate également que les hommes PDG d’entreprises technologiques sont encore beaucoup plus mis de l’avant que les femmes. « On invite souvent les femmes dans des panels sur les femmes en technologies, moins sur des panels de technologies. »

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Danièle Henkel, ex-dragonne bien connue au Québec avec ses entreprises du domaine médico-esthétique

Croire davantage au potentiel des femmes

Évalue-t-on différemment les femmes et les hommes face à un projet d’affaires ? C’est ce que croit Danièle Henkel, ex-dragonne bien connue au Québec avec ses entreprises du domaine médico-esthétique.

« On juge beaucoup l’homme sur son potentiel en regardant combien il croit pouvoir rapporter dans un an, affirme-t-elle. Mais on juge encore beaucoup la femme sur ses accomplissements, sur ce qu’elle a vendu. Il faut aussi regarder son potentiel. »

En se lançant en affaires il y a une vingtaine d’années, Danièle Henkel s’est fait refuser du financement plusieurs fois. Lorsqu’on ne lui demandait pas de se faire endosser par son mari ! Elle s’est débrouillée seule, en frappant aux portes pour vendre son Gant Renaissance jusqu’à ce qu’elle en ait vendu suffisamment pour qu’une directrice de succursale d’une grande banque accepte de lui accorder une marge de crédit de… 5000 $ !

Heureusement, la femme d’affaires qui vient de lancer le livre Ces différences qui nous rassemblent voit une grande évolution dans le soutien à l’entrepreneuriat.

« À l’époque, il n’y avait pas les mêmes outils, programmes, subventions et sites internet pour nous aider. Lorsqu’on se lançait en affaires, on était vraiment seul. »

Pour une plus grande diversité

Si les réseaux pour aider les femmes d’affaires se sont grandement développés dans les dernières années, ils gagneraient à être plus inclusifs, selon Carla Beauvais, cofondatrice de Cajou Cuisine, une entreprise qui propose des activités pour préparer des repas en famille.

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Carla Beauvais, cofondatrice de Cajou Cuisine

« Les femmes issues de minorités ont encore de la difficulté à se retrouver dans ces réseaux qui demeurent assez fermés et homogènes, affirme-t-elle. De plus, les autres grands réseaux d’affaires sont souvent assez masculins et on invite encore beaucoup plus d’hommes que de femmes à parler dans les grandes conférences. »

Auparavant en relations publiques, Carla Beauvais a lancé récemment Cajou Cuisine avec Marjorie Morin-Lapointe et Abeille Gélinas. Elle a obtenu une bourse de démarrage Entreprendre ici destinée aux entrepreneurs issus de la diversité. De plus, puisque Marjorie n’avait pas encore dépassé l’âge admissible, l’entreprise a eu du soutien notamment de Mtl inc. et de Futurpreneur. « Il faut assouplir ces critères pour aider les projets à fort potentiel, peu importe l’âge des entrepreneurs », croit Carla Beauvais.

Prix Femmes d’affaires du Québec 2019

Le Réseau des femmes d’affaires du Québec remet ses prix annuels ce soir au Palais des congrès de Montréal. Le réseau fondé en 1981 compte plus de 2000 membres et tient des activités de réseautage partout dans la province.