Le secteur de la logistique et du transport de marchandises s’est grandement complexifié dans plusieurs pays industrialisés au cours des 25 dernières années. Depuis l’avènement du commerce électronique, c’est encore plus marqué. Or, trop d’entreprises québécoises tardent à amorcer le virage technologique qui s’impose. Explications.

Selon Guy Normandeau, directeur général de l’Institut d’innovation en logistique du Québec (IILQ), la Belle Province accuse effectivement du retard dans l’implantation de technologies permettant une plus grande efficacité en matière de logistique et de transport de marchandises.

D’ailleurs, insiste-t-il, on devrait plutôt parler de « chaîne logistique ». « La chaîne logistique va de la livraison de matières premières à un manufacturier jusqu’à l’utilisation d’un produit fini par un client. Ça ne se résume pas au transport de biens et à l’entreposage. »

Cette même chaîne logistique est devenue beaucoup plus complexe à partir du moment où les grands donneurs d’ordre (principalement dans l’industrie automobile et le secteur de l’aérospatiale) ont commencé à faire appel à des sous-traitants, qui ont également d’autres sous-traitants, etc.

Le défi du commerce électronique

« Avec l’avènement du commerce électronique, croit le patron de l’IILQ, on a ajouté une charge de travail aux manufacturiers, qui doivent désormais gérer plus de stocks ou préparer des livraisons pour diverses plateformes du web, comme Amazon ou Walmart. Et parfois, c’est le manufacturier lui-même qui doit s’occuper d’expédier la commande directement aux clients. Ça a créé un joli bordel. »

Selon Statistique Canada, environ 6500 entreprises québécoises offrent des services d’impartition en logistique, dont près de la moitié comptent moins de cinq employés.

Cela va du service à la carte jusqu’au service clés en main. Bref, de la simple entreprise de transport à la firme faisant la coordination de tous les acteurs le long de la chaîne logistique.

L’une des meilleures façons de s’adapter à ce nouvel ordre de la logistique est d’implanter des outils technologiques comme des systèmes intégrés de gestion d’entreprise (ou ERP en anglais), d’approvisionnement par internet ou de gestion de transport (TMS). Encore trop de PME québécoises ne disposent pas de tels outils, déplore Guy Normandeau. « Ou, si elles en ont, elles ne les utilisent pas à leur plein potentiel », dit-il.

Le maillon faible du Québec

Dans la grande chaîne logistique québécoise, il semble que le secteur du transport de marchandises soit celui où les technologies de type ERP soient le moins implantées, signale le DG de l’Institut d’innovation en logistique du Québec.

« C’est effectivement l’un des maillons faibles, dit-il. Il y a bien sûr des exceptions, mais la plupart des entreprises sont mal équipées. Il y a encore beaucoup de travail à faire. Cela dit, la logistique est l’un des secteurs où le gouvernement investit le moins. Les manufacturiers reçoivent beaucoup d’aide de l’État. Les entreprises de logistique et de transport ne reçoivent pratiquement rien. À un moment donné, il va y avoir un important clash. »

Marc Cadieux, président de l’Association du camionnage du Québec, reconnaît que bien des éléments doivent être corrigés. « On travaille avec les gens du maritime et du ferroviaire à améliorer les temps d’attente dans les ports et les terminaux, dit-il. Ce n’est pas uniquement l’affaire des camionneurs. »

La pénurie de main-d’œuvre (il manque 4000 camionneurs au Québec) et les problèmes de congestion dans la grande région montréalaise (ils représentent des pertes de 131 millions annuellement) n’aident en rien l’industrie.

« Mais la rareté de la main-d’œuvre est en train de forcer les entreprises de camionnage à se doter d’outils technologiques. Il faut, malgré tout, voir ça comme une opportunité », croit Marc Cadieux.