Communément appelés « CFO » en anglais, les chefs de la direction financière sont souvent les numéros 2 d’une entreprise. Un rôle qui dépasse largement la gestion des chiffres.

Lors de son ascension, le Cirque du Soleil a conservé son élan et son équilibre en partie grâce à son ancien chef de la direction financière, Robert Blain. Retour sur ses prouesses réalisées loin des projecteurs.

LOVE, spectacle du Cirque du Soleil inspiré des chansons des Beatles, présente sur scène son lot d’acrobaties. Mais dans les coulisses, il a aussi nécessité un exercice périlleux de la part de son chef de la direction financière de l’époque, Robert Blain. Les négociations pour ce projet ont duré deux ans. Il devait parvenir à des ententes avec Apple Corps, peu habituée à partager sa marque de commerce et à participer à des spectacles d’envergure internationale, mais aussi Paul McCartney, Ringo Starr, Yoko Ono et Olivia Harrison.

Une fois des accords complexes ficelés, Guy Laliberté souhaitait davantage de matériel scénique pour créer l’effet artistique voulu. Quelque 11 millions de dollars supplémentaires s’avéraient nécessaires. Robert Blain est retourné discuter avec des partenaires pour débloquer de nouvelles sommes et a revu le montage financier. « Tu fais des plans d’affaires et des contrats. Puis tu assistes au résultat sur la scène et, wow, tu as la larme à l’œil devant ce qui a été accompli », évoque M. Blain, en se rappelant la première représentation de LOVE à Las Vegas en 2006.

Il désigne ces ententes comme sa plus grande fierté, au moment de revenir sur sa carrière dans son bureau de la Maison Alcan, où il préside aujourd’hui le Groupe Lune Rouge. D’abord vérificateur pour la firme Samson Bélair, le comptable a fait le saut au Cirque du Soleil en 1994 pour devenir directeur administratif, puis vice-président finance. Avec le départ du cofondateur Daniel Gauthier en 2001, le poste de chef de la direction financière (CFO) a été créé et lui a été attribué.

« J’avais une vue d’ensemble de l’organisation », dit Robert Blain, qui s’est alors retrouvé à jongler avec les volets financier, fiscal, juridique et technologique d’une organisation en pleine croissance. Pour soutenir cette expansion internationale, il a ouvert des bureaux à Amsterdam et à Singapour et implanté des systèmes informatiques pour la gestion des paies, mais aussi des devises. Sans parler des investissements qu’il devait chercher pour mener à bien la multiplication des spectacles.

« Le cirque, c’est intangible. Quand tu dis que tu vas faire un spectacle dans une piscine, que ce sera le meilleur spectacle au monde et que tu as besoin de doubler tes marges de crédit, le banquier pose beaucoup de questions. » — Robert Blain, en référence au spectacle O

Intégrité, honnêteté et transparence

Robert Blain insiste sur l’importance, comme chef de la direction financière, de se montrer intègre, honnête et transparent avec les banques et les partenaires, notamment en veillant au respect des plans d’affaires, de la reddition de comptes et du partage des profits.

Il se souvient d’un partenaire financier qui avait mal compris un contrat et envoyé un chèque de plusieurs centaines de milliers de dollars en trop au Cirque du Soleil. Il avait aussitôt appelé ce dernier pour lui retourner la somme excédentaire. « Au moment de faire un autre deal, il ne l’avait pas oublié. »

Il s’assurait aussi que le Cirque reste une bonne entreprise citoyenne partout où il passait, notamment en prenant en charge les impôts de milliers d’artistes de dizaines de nationalités différentes. « Ma fonction était aussi d’influencer l’entreprise à être responsable et à avoir un impact. » Malgré son pouvoir de « couper tous les budgets », son objectif demeurait de générer suffisamment de profits pour maintenir les activités philanthropiques, comme le programme Cirque du monde. Même si « ça ne se calcule pas », Robert Blain croit qu’elles avaient un effet sur la motivation des employés, qui l’ont aidé à amener le Cirque un peu plus haut et un peu plus loin.