En recyclant près de 200 000 frigos, l'entreprise Recyclage ÉcoSolutions (RES) a récemment vendu pour 2 millions de crédits de carbone compensatoires à Gaz Métro. C'est une première dans la courte histoire du marché du carbone québécois.

L'entreprise a détruit 81 tonnes de CFC, un gaz à effet de serre (GES) 10 900 fois plus puissant que le CO2, contenues dans pas moins de 195 000 réfrigérateurs et autres appareils refroidisseurs domestiques (congélateurs, climatiseurs, celliers, etc.). Le recyclage a duré environ deux ans et demi. La majorité des appareils provenaient du programme Recyc-Frigo, mis en place par Hydro-Québec.

« On est très fiers d'être les premiers à émettre des crédits compensatoires dans le protocole québécois. C'est une percée majeure dans le marché du carbone », estime Matthieu Filion, directeur général de Recyclage ÉcoSolutions (RES).

UNE TECHNOLOGIE UNIQUE AU MONDE

Dans un réfrigérateur, on retrouve deux types de gaz très puissants que l'on appelle CFC, pour chlorofluorocarbures, qui nuisent à la couche d'ozone et créent des gaz à effet de serre. Le premier est utilisé dans le système de réfrigération, tandis que l'autre sert à gonfler la mousse isolante en polyuréthane. La technologie de l'entreprise québécoise permet de capter ces gaz.

« On retire d'abord le gaz qui se trouve dans le système de réfrigération, pour nous permettre d'enlever le compresseur, qui ne peut pas être broyé en raison de son enveloppe dure », détaille Matthieu Filion. Par la suite, l'appareil est haché en morceaux dans un système hermétique, pour que le gaz s'échappe dans l'atmosphère. Le frigo passe par plusieurs étapes pour filtrer, refroidir et compresser le gaz qui est piégé dans la mousse isolante.

« L'avantage de notre système, c'est qu'à la fin, tous les éléments sont triés. Les métaux, comme le fer, l'acier, le cuivre et l'aluminium, vont être recyclés chez les producteurs de métaux. Les plastiques peuvent aussi être lavés et recyclés. Les huiles seront de leur côté récupérées ou utilisées pour mélanger comme combustible. La mousse isolante sert aussi, elle est recyclée comme absorbant industriel », explique Matthieu Filion. Plus de 95 % des composantes retrouvent une seconde vie. Chaque partie a son utilité.

MISER SUR LE MARCHÉ DU CARBONE

Le marché du carbone est très important pour l'entreprise. 

« C'est majeur. C'est la pierre angulaire de notre modèle d'affaires. Sans le marché du carbone, il y a tout un pan de revenus inexistants. Les coûts de traitement et de recyclage deviendraient des frais supplémentaires aux clients. Les crédits de carbone permettent de bonifier et de diversifier notre offre de service. »

- Matthieu Filion, directeur général de Recyclage ÉcoSolutions

RES demande au gouvernement d'inclure d'autres gaz, comme les HFC et HCFC, sur la liste des gaz qui peuvent générer des crédits compensatoires. « Certains seront inclus et bannis dans les prochaines années. Il faudrait prendre le leadership en les incluant dès maintenant. Ces gaz ont des effets néfastes sur la couche d'ozone ou sont de très puissants GES. Leur donner une valeur rendrait plus attrayant - et plus rentable - leur recyclage. »

L'entreprise a déjà la technologie pour les recueillir, puisqu'au point de vue chimique, ce sont des gaz similaires à ceux qu'ils captent en ce moment. Il ne faudrait qu'ajuster les procédés.

ALLER PLUS LOIN

Dans les technologies vertes, des investissements initiaux importants sont requis pour mettre en place les technologies et les peaufiner. Une bonne partie des 2 millions récoltés par RES dans cette transaction serviront donc à redresser les investissements du passé.

« Le reste permettra d'ajouter deux ou trois nouvelles technologies complémentaires à la nôtre, ainsi que de supporter le programme Frigo responsable, qu'on met en place depuis un an et demi et qui vise à rendre les clients responsables en faisant le bon choix pour les appareils réfrigérants. »

Une quarantaine d'employés s'activent dans les usines de RES. Matthieu Filion aimerait bien qu'on incite les détaillants à reprendre les réfrigérateurs qu'ils ont vendus et à les acheminer à une entreprise comme RES pour le recyclage. « C'est ce qu'on appelle la responsabilité élargie des producteurs. Si ce système était en place, on pourrait certainement créer 40 autres emplois. »

Le directeur général souligne d'ailleurs qu'on pourrait aller plus loin. « Environ 220 000 vieux appareils froids en fin de vie sont abandonnés chaque année. Si on les recyclait tous, on pourrait empêcher l'émission de 500 000 tonnes de GES par année au Québec. »