Active dans les secteurs des mines, du pétrole, de la sidérurgie, de l'aviation, des pâtes et papiers, Marmen a ajouté une corde à son arc en 2002 lorsqu'elle a décidé de s'intéresser à l'éolien. Depuis, elle est devenue un véritable fleuron de cette industrie au Québec. Patrick Pellerin, président de Marmen, explique la stratégie de son entreprise.

Q- En 2013, Marmen a investi dans la construction d'une nouvelle usine à Trois-Rivières en plus d'ouvrir pour la toute première fois de son histoire une usine à l'extérieur du Québec. Cette dernière est destinée à la construction de tours d'éolienne et est située au Dakota-du-Sud, aux États-Unis. Pourquoi tous ces investissements ?

R- Les investissements au Québec n'ont rien de particulier puisque nous en faisons tous les ans. Cela fait partie de la philosophie de notre entreprise de réinvestir les profits.

Le cas des États-Unis est plus important et particulier. Nous souhaitons développer le marché américain dans la zone de l'allée des tornades. C'est un endroit où se trouvent déjà de nombreux champs d'éoliennes. En étant sur place, nous sommes mieux positionnés et nous réduisons les frais de transport très élevés des tours.

Q- Vous n'êtes sûrement pas les seuls à convoiter ce marché. Comment comptez-vous affronter la compétition américaine sur son propre terrain ?

R- Les compétiteurs américains ne nous font pas peur puisque nous nous battons à armes égales, contrairement à ce qui se passe avec des entreprises asiatiques, par exemple. En tant que deuxième fabricant en importance de tours en Amérique du Nord et premier au Canada, notre réputation est solide. Nous offrons toujours la même qualité supérieure de produit, de bons prix avec une livraison assurée dans les délais.

L'usine américaine roule bien, il reste à ajuster la productivité. De tous nos investissements, celui aux États-Unis est sûrement l'un des moins risqués.

Q- Au cours de la dernière année, certaines grandes entreprises de fabrication de composantes d'éolienne de l'Est-du-Québec ont connu des ralentissements de leurs activités allant même jusqu'à des mises à pied temporaire. Ce n'est pas votre cas, qu'est-ce qui explique que vous vous en êtes mieux sortis ?

R- Le fait que nous soyons diversifiés dans plusieurs secteurs nous aide beaucoup. De plus, nous avons une bonne réputation et nous formons nos employés. Nous comptons sur 1300 travailleurs spécialisés et nous avons comme politique de tout faire pour ne pas perdre nos gens.

Q- Cet automne, le gouvernement québécois va octroyer un 4e appel d'offres pour 800 MW, croyez-vous tirer votre épingle du jeu de nouveau ?

R- Peu importe le promoteur qui va l'emporter à l'exception d'Enercon, qui fabrique des tours dont la base est en ciment, nous restons un fournisseur privilégié, capable de répondre aux commandes.

Q- Vous vous êtes implantés à Matane pour répondre aux conditions posées à l'époque par le gouvernement du Québec. Une fois que le gouvernement aura cessé son développement éolien, qu'allez-vous faire de cette usine ?

R- On n'a pas l'intention de cesser nos activités. Le projet de 800 MW d'Hydro-Québec va s'étendre jusqu'en 2018. En quatre ans, la donne peut changer radicalement. Rien ne dit que le développement va cesser.

Aussi, la venue d'éoliennes sur des plates-formes en mer sur la côte Est s'en vient. L'usine de Matane est la mieux positionnée pour répondre à ce marché. Notre usine de Trois-Rivières a également des contrats avec les États-Unis et on transfère une partie du travail à Matane.

Q- Le développement de l'industrie éolienne fait face à une vive opposition. Qu'en pensez-vous ?

R- Je comprends les gens qui n'aiment pas se retrouver encerclés de 40 éoliennes. C'est un argument valable, mais le débat sur le bruit est surfait selon moi. Quant au surplus d'énergie, il y a toujours des mouvements imprévisibles dans la demande. Quand on parle d'énergie, on doit avoir une vision à long terme et les surplus sont nécessaires quand on envisage d'exporter.

Q- Depuis que vous vous êtes lancé dans l'aventure de l'éolien, avez-vous connu des échecs ?

R- Je ne dirais pas des échecs, mais plutôt des déceptions. Les trois premières années, on fonctionnait à perte. On pensait que c'était simple de bâtir des tours, on a eu un wake-up call, mais on a persévéré. Nous sommes têtus et nous ne voulions pas subir la honte d'échouer quand d'autres réussissaient à le faire.

Lorsqu'on est devenus bons, le marché a explosé. La fermeture du marché ontarien parce que le gouvernement voulait des entreprises locales nous a aussi déçus parce nous n'avons pas pu participer autant que nous aurions voulu.

Q- Quel sera l'avenir de Marmen ?

R- On va continuer à développer d'autres marchés, mais on ne dévoile rien pour l'instant, question de ne pas donner d'idées à nos compétiteurs...