Dans un contexte de hausses prévisibles de taux obligataires, une surpondération en titres à revenu fixe augmente le risque pour l'investisseur de survivre à son portefeuille, met en garde un gestionnaire de portefeuille. C'est ce qu'on appelle le risque de longévité.

Président de la firme de gestion de portefeuille Allard Allard et Associés, de Montréal, Louis Allard fait remarquer que la structure actuelle des taux obligataires épouse celle en vigueur au milieu du siècle dernier. Si le passé est garant de l'avenir, les investisseurs en ont pour 30 ans à vivre dans un environnement de taux obligataires à la hausse.

Généralement, quand les taux obligataires montent, le prix des obligations diminue. Un phénomène qui ne sera pas sans impact sur les rendements de leur portefeuille.

Le risque est exacerbé par l'espérance de vie qui ne cesse de s'allonger. « L'espérance de vie à 65 ans a augmenté de 2 ans au cours des 10 dernières années », indique, dans une entrevue, M. Allard, 45 ans.

En 2012, les hommes de 65 ans avaient l'espérance de vivre jusqu'à 84 ans. En 2025, ce sera 86 ans, d'après les données diffusées par le Bureau de l'actuaire en chef du Canada.

Gestionnaire de portefeuille indépendant, Allard Allard vient de passer le cap des 500 millions d'actif sous gestion. Il dessert une clientèle composée de 250 familles, souvent des entrepreneurs retraités ou rendus à l'étape de la passation des pouvoirs. Il sert aussi une clientèle institutionnelle formée de fondations privées.

La maison préconise une gestion de type valeur où l'attention est portée à la solidité du bilan d'entreprises rentables dont les actions en Bourse sont sous-évaluées par rapport à leur valeur intrinsèque. Le cabinet, qui existe depuis près de 20 ans, compte comme clients Érik Péladeau, l'ex-hockeyeur Pierre Bouchard et Bernard Casavant, président du Groupe financier Casavant.

Le cabinet boutique de 10 employés, fondé en 1995 par le père de Louis, Jean-Pierre Allard, autrefois associé fiscaliste chez KPMG, a traité du sujet dans sa plus récente lettre financière diffusée sur le site internet de la société.

La publication met en lumière que les obligations 10 ans du gouvernement du Canada ont donné un rendement annuel moyen de 3,8 % entre les années 50 et 1981, période marquée par une hausse continue des taux obligataires.

Le rendement moyen a par la suite explosé au cours des 30 années suivantes, un cycle caractérisé par une baisse de ces mêmes taux. Les obligations ont livré un rendement annuel moyen de 9,6 % pour la période de 1981 à 2013. Ce rendement s'est même avéré supérieur à celui des actions (9,2 %) au cours de la même période.

Retour aux années 50

Autrement dit, en 2014, c'est le retour aux années 50. Les rendements obligataires risquent plus de varier de 2 à 4 % dans un avenir prévisible que de friser les 10 % comme ont connus nos parents.

L'investisseur doit éviter l'erreur de surpondérer son portefeuille en obligations en voulant jouer de prudence. Cette protection contre les corrections boursières à court terme se fait alors au prix d'un rendement à long terme insuffisant.

La règle simpliste voulant que la répartition du portefeuille en obligations corresponde plus ou moins à l'âge de l'investisseur, comme à 65 ans détenir 65 % d'obligations, n'a pas de fondement dans le contexte actuel.

« Les gens réalisent que même arrivés à la retraite à 65 ans, leur horizon de placement demeure de 20 à 25 ans. La composante "action" doit encore occuper une place intéressante dans le portefeuille pour créer de la richesse à long terme. » - Louis Allard

L'horizon de placement, les besoins de liquidités, les questions fiscales et la tolérance au risque déterminent la répartition d'actif entre obligations et actions.

D'autres facteurs méritent considération. Par exemple, un retraité gagnerait à concentrer son portefeuille dans des actions s'il touche une prestation de retraite garantie dans le cadre d'un régime à prestations déterminées ou s'il bénéficie d'une rente viagère de retraite.

Le même raisonnement s'applique si le client détient des propriétés à revenus, libres d'hypothèque. Dans ce cas de figure, les loyers assurent à l'investisseur les revenus courants que lui procurerait autrement la portion revenu fixe de son portefeuille.

« Chaque individu mérite une réflexion et une planification en fonction de sa situation propre », dit M. Allard.