Huit rencontres avec des gens d'affaires qui se dépassent et font autrement, souvent dans des sphères extérieures à leur champ d'activités principal. Simplement pour accomplir quelque chose de plus. Pour eux, pour d'autres, pour nous tous.

Où qu'il soit, Eric Boyko semble toujours prêt à se rendre ailleurs. Vite.

Il s'exprime de la même manière : il commence une nouvelle phrase avant d'avoir achever la précédente. Vite.

L'homme de 44 ans est président de Stingray Digital, qu'il a fondée en 2007 avec son partenaire d'alors, Alexandre Taillefer.

«Stingray, c'est une compagnie de médias numériques et on a acheté plusieurs actifs, dont les chaînes de musique Galaxie, Karaoke Channel, et la chaîne Concert TV. Avec ces trois chaînes, on a plus de 105 millions d'abonnés dans 102 pays sur la Terre.»

La Terre... La géographie semble le fasciner. Derrière son bureau, une carte du monde s'étale. Des dizaines de punaises y sont fichées.

«C'est chaque pays que j'ai visité à l'extérieur de l'Amérique du Nord. J'ai visité personnellement plus de 85 pays.»



Entrepreneur et explorateur


Comptable de formation, il se définit d'abord comme un entrepreneur, mais doublé d'un explorateur.

«Quand j'étais petit, mon jeu favori, c'était le jeu de Risk, où il fallait conquérir le monde, confie-t-il.

Pour moi, pénétrer un nouveau marché étranger est un défi, c'est comme gagner un pays au Risk.»

Son parcours professionnel ressemble d'ailleurs à une charge de cavalerie.

À 17 ans, il vend des T-shirts. Étudiant à McGill, il fonde une entreprise de distribution de plats préparés. Il cherche des moyens de recueillir des fonds pour les activités étudiantes. Son succès le mène en 1992 à créer eFundraising, qui deviendra un géant des campagnes de financement par internet.

Il vend, rachète puis revend l'entreprise, dont il quitte définitivement la présidence en 2007. Il est aussitôt prêt à se relancer, cette fois du côté des médias numériques. «Depuis ce temps-là, on a fait 19 acquisitions, c'est pourquoi nous sommes présentes dans autant de pays.»

Voilà un homme qui connaît la musique, direz-vous? Pas du tout. «Un jour, j'ai rencontré Rihanna et je lui ai dit que j'aimais beaucoup sa chanson Waka Waka Africa. Elle a souri. Son garde du corps m'a dit que c'était de Shakira.»

 

Énergisant

Mais aucune rebuffade ou obstacle ne l'arrête. Il aime se donner le titre de Chief Energizing Officer - CEO.

«Une de mes grandes qualité ou défaut, c'est que je suis quelqu'un qui a beaucoup d'énergie. Moi je dis que c'est excitant, mais certaines personnes peuvent me trouver énervant.»

Chacun de ses courriels se termine d'ailleurs par les mots GO GO GO! - une incantation, une devise et un encouragement.

«Certains de mes actionnaires m'ont dit, Eric, «go go go», ça ne fait pas sérieux, ça ne fait pas très présidentiel. Un président devrait être «slow slow slow»  ou «pense pense pense». Mais moi je crois que «go go go» me représente bien.»

En effet. Un des murs de son bureau est tapissé de photos prises pendant ses voyages, sous toutes les latitudes : expéditions, alpinisme, kayak...

En 2006, pour recueillir des fonds pour la recherche sur la maladie d'Alzheimer, dont le père d'un ami était atteint, Eric Boyko et trois amis ont entrepris l'ascension du plus haut sommet de chaque continent : Kilimandjaro, Mont-Blanc, Aconcagua... Sur les sept montagnes, seul le sommet du monde leur a échappé. Ses partenaires «se sont mariés, ont eu des enfants, et la pression familiale a fait qu'on n'a pas encore fait l'Everest», explique Éric Boyko.

 

Ne pas perdre le Nord

En avril dernier, il a participé à une expédition vers le pôle Nord magnétique, cette fois en soutien aux militaires canadiens blessés ou en détresse psychologique. L'équipe comptait 24 hommes et femmes du milieu des affaires et 12 militaires. «Certains étaient amputés, certains avaient perdu un bras.

C'était une belle expérience de groupe.» En deux semaines, ils ont parcouru 125 kilomètres en ski de fond, chacun tirant un traîneau d'équipement.

«L'accomplissement d'une expédition, beaucoup de gens pensent que c'est physique et qu'il faut être en forme, mais c'est 80 % de mental», souligne-t-il.

Outre les perpétuelles conditions climatiques extrêmes, les nuits inconfortables, le montage et le démontage de l'équipement, il faut compter avec le risque d'être confiné à sa tente pendant des jours par la tempête. «Le plus grand défi d'un explorateur ou dans une expédition, c'est d'avoir la patience.»

La patience ne semble pourtant pas la qualité première du Chief Energizing Officer.

«C'est surprenant», admet-il. «Un des bons trucs, pour moi qui est très actif, c'est de jouer aux cartes ou aux échecs. Au mont McKinley puis au Pôle nord, j'ai dû jouer 800 parties de carré.»

Cependant, c'est chez lui, à Montréal, qu'il défend la cause qui lui tient le plus à coeur. Depuis qu'il a vendu sa première entreprise, à 30 ans, il fait la promotion de l'entrepreneuriat. Il contribue notamment à la maison Notman pour les jeunes entreprises en démarrage et à la Société d'investissement Jeunesse.

«Je me force à faire chaque année un petit investissement dans une compagnie. J'encourage un entrepreneur, il réussit, il en encourage un autre, pour créer une Silicon Valley, une St-Laurent Valley à Montréal. Pour moi c'est une façon de redonner.»

Toujours avec énergie.

Stingray Digital en quelques chiffres

- 2007: fondation

- 200 employés

- 4 principales chaînes numériques: Galaxie, Karaoke Channel, Concert TV et Music Choice International 

- 105 millions d'abonnés

- 113 pays