La tendance est claire: depuis le début du millénaire, les entreprises québécoises délaissent progressivement les États-Unis pour se tourner vers d'autres marchés internationaux. Cette semaine, nous faisons le point sur le secteur des pâtes et papiers.

Si vous lisez ces lignes sur votre iPad ou l'écran de votre ordinateur plutôt que sur du papier, vous n'êtes pas seul. Partout en Amérique du Nord, la feuille de papier journal cède, d'année en année, sa place aux supports numériques de toutes sortes.

La tendance n'a évidemment rien de réjouissant pour les papetières du Québec, surtout que le papier journal constitue encore aujourd'hui 37% de la production de l'industrie québécoise des pâtes et papiers.

À elle seule, cette production représente plus de la moitié de tout le pays, et même 34% de l'ensemble de l'Amérique du Nord. Encore cette année, c'est près de 2,4 millions de tonnes métriques de papier journal qui sortiront des usines du Québec.

Le chiffre impressionne certes: il se compare au poids de 40 000 porteurs de la taille d'un CSeries. Il est toutefois bien en deçà des 4,4 millions de tonnes produites en 2000.

Si la production a baissé de près de la moitié, c'est que la demande pour le papier journal, tout comme pour plusieurs produits des pâtes de papiers, est en baisse depuis plus de 10 ans en Amérique du Nord.

«Au début de l'an 2000, on avait besoin en Amérique du Nord d'environ 12 millions de tonnes de papier journal, explique Luc Bouthillier, professeur au département des sciences du bois et de la forêt à l'Université Laval. Au moment où on se parle, ce n'est même pas 5 millions de tonnes, et ça n'ira pas en s'améliorant.»

Encaissant le coup, l'industrie a eu à se recentrer... ou plutôt se décentrer, selon André Tremblay, président du Conseil de l'industrie forestière du Québec (CIFQ).

«Ce qui a fait notre force et notre richesse est aujourd'hui devenu notre faiblesse, admet-il en référence aux bonnes années du papier journal. Notre structure industrielle était tellement centrée sur le papier journal que la révolution technologique a fait en sorte que ça nous est rentré dedans de plein front.»

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Principales destinations du papier journal québécois

Avec la baisse de la demande pour du papier journal en Amérique du Nord, les producteurs québécois ont dû se tourner vers de nouveaux marchés pour écouler leur production. De plus en plus, on lit des nouvelles sur du papier québécois non seulement en Amérique latine, au Moyen-Orient et en Afrique, mais de l'autre côté de la planète aussi, en Asie.

1. États-Unis : 754

2. Brésil : 160

3. Inde : 152

4. Union européenne : 89

5. Venezuela/Colombie : 76

6. Turquie : 46

7. Arabie Saoudite : 20

Valeur en millions de dollars, en 2012

Source: Industrie Canada

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Objectif: diversifier les marchés

Pour compenser la baisse de la demande nord-américaine, les producteurs québécois de papier journal ont diversifié leurs marchés d'exportation, se tournant entre autres vers l'Amérique latine, l'Inde et le Moyen-Orient.

Ils ont aussi migré vers de nouveaux produits.

À Thurso, par exemple, l'usine de Fortress qui fabriquait jadis de la pâte Kraft conçoit désormais de la rayonne, une fibre textile qui est entre autres exportée en Chine pour entrer dans la confection de vêtements.

À Témiscaming, l'usine de Tembec produit une pâte cellulosique qui agit comme liant dans le secteur de l'alimentation et de l'industrie pharmaceutique. «Vous ne le savez peut-être pas, mais ce matin, lorsque vous avez mangé votre pain, il y avait probablement de la pâte de l'usine de Tembec qui était dedans, s'amuse à dire André Tremblay pour exprimer son propos. Il y a toutes sortes d'usages nouveaux comme ça qu'on développe.»

D'autres sont plus ambitieux, comme ceux sur lesquels travaillent les chercheurs de FPInnovation, l'organisme à but non lucratif financé à la fois par l'industrie et les différents ordres de gouvernement.

Là-bas, on met au point, entre autres, des applications pour la nanocellulose cristalline (NCC), un produit issu du traitement chimique de la pâte qui confère dureté et durabilité aux matériaux auxquels on l'ajoute.

On étudie aussi les applications potentielles des gels cellulosiques, une gamme de produits susceptibles, d'ici trois à cinq ans, de remplacer une partie des produits fabriqués à base de pétrole, comme les barquettes que l'on trouve dans nos supermarchés.

À terme, ces nouvelles productions permettront de mieux diversifier l'industrie, croit André Tremblay. Une façon pour elle de mieux résister aux variations des cycles économiques, selon lui.

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Principaux producteurs dans le monde

À eux deux, les États-Unis et la Chine ont généré, l'an dernier, plus de 43% de la production mondiale.

[Pays | Pâtes | Papiers]

États-Unis | 46 | 67

Chine | 17 | 93

Japon | 8 | 24

Canada | 15 | 10

Brésil | 13 | 9

Suède | 11 | 10

Allemagne | 2 | 21

Finlande | 9 | 10

En millions de tonnes métriques

Sources: Ressource Information Systems Inc. (RISI) et Bracelpa