La tendance est claire: depuis le début du millénaire, les entreprises québécoises délaissent progressivement les États-Unis pour se tourner vers d'autres marchés internationaux. Cette semaine, nous faisons le point sur l'importance que prend la Chine dans l'écosystème des métaux.

À elle seule, la Chine consomme aujourd'hui 60% des minerais de la planète. Un appétit qui l'a amenée à drainer vers elle une partie de l'industrie de la métallurgie et qui a des répercussions un peu partout en Occident.

Selon la firme KPMG-SECOR, l'empire asiatique monopolisait en 2011 environ 44% de l'aluminium produit sur la planète. Des chiffres tout aussi impressionnants pour des minerais de base comme le zinc (41%), le cuivre (39%) et le nickel (37%).

Pour le fer, on parle même de 60%.

Si la Chine est si friande de minerais, c'est qu'elle a entrepris de les transformer sur son territoire pour répondre à ses besoins intérieurs. Aujourd'hui, l'empire du Milieu mise sur une capacité de production titanesque. En 2012, dans ses aciéries, elle produisait près de la moitié de tout l'acier généré dans le monde, soit 46,3% selon la Worldsteel Association.

Le constat est le même dans l'aluminium. «La Chine, qui produisait 1 million de tonnes en 2001, en produit maintenant 23 millions, souligne Jean Simard, PDG de l'Association de l'aluminium du Canada. C'est un peu moins de la moitié de ce qui est produit sur la planète.»

Cet essor chinois en métallurgie a eu ses répercussions sur les marchés. Combinée à une baisse de la croissance chinoise, la grande capacité de production du pays a fait chuter le cours des métaux ces derniers mois. L'aluminium, par exemple, échangé aujourd'hui à près de 1800 dollars la tonne, retrouve sa valeur de 2004.

À ces prix, un bon nombre d'usines chinoises tournent à perte, estiment les experts du milieu. Un problème qui est loin de préoccuper l'État chinois, selon Glenn Ives, président du conseil chez Deloitte et spécialiste du secteur minier. «Les produits de base représentent un secteur stratégique pour la Chine», dit-il.

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LE FER QUÉBÉCOIS VERS LA CHINE

En 2012, le Québec expédiait plus des deux tiers de sa production de minerai de fer en direction de la Chine. Un éloignement qui ajoute un coût supplémentaire à la production québécoise par rapport à celle du Brésil et de l'Australie.

Australie : 13 $ US, 15 jours

Brésil : 23 $ US, 34 jours

Québec : 31 $ US, 43 jours via le cap de Bonne-Espérance

Québec : 59 $ US, 31 jours via le canal de Panama

Coût moyen de transport, en $US, d'une tonne de fer vers la Chine en 2012.

Durée, en jours, basée sur une vitesse moyenne des minéraliers de 15 noeuds.

Sources: Baltic Exchange, Bloomberg, AME Group, Secor

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DÉPLACEMENT VERS L'ASIE

Le Québec, qui exportait 3% de son minerai de fer vers la Chine en 2002, en acheminait 69% dix ans plus tard, délaissant l'Europe comme principal marché d'exportation.

Aujourd'hui, le minerai de fer québécois fait compétition à celui extrait au Brésil et en Australie, deux marchés beaucoup plus rapprochés géographiquement de la Chine, ce qui ne contribue pas à aider à la profitabilité des producteurs québécois, signale Frédéric Chevalier, DG du Réseau de la transformation métallique du Québec. Selon la firme SECOR-KPMG, le coût de transport maritime du minerai de fer québécois compterait d'ailleurs pour 25 à 30% de son coût total.

Dans le secteur de l'aluminium, le portrait a complètement changé en l'espace d'une dizaine d'années, explique M. Chevalier, car, en plus de la Chine, s'ajoutent les pays du Moyen-Orient dans ce secteur. «On n'est plus dans une logique de marché traditionnel», dit-il.

Du côté de la sidérurgie, les conséquences sont encore plus importantes. «En ce moment, les aciéries en Amérique du Nord sont utilisées à 70 à 75%, explique Renault-François Lortie, associé, services-conseils chez KPMG-SECOR. En Europe occidentale, on ferme même les aciéries pour essayer de baisser l'offre de transformation en acier.»

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LE QUÉBEC DANS LE MONDE

L'Asie, avec la Chine en tête, est aujourd'hui la région du monde la plus importante pour les exportateurs québécois de métaux. En 2010, c'est 45% de sa production de métaux qui y était acheminée.

Côté importations, l'Australie arrive en tête, surtout en raison de ses exportations de nickel au port de Québec. Ce minerai est ensuite acheminé ailleurs en Amérique du Nord.

Valeur des exportations et importations de métaux du Québec en 2010

[Région | Exportations (M$) | Importations (M$)]

Asie-Pacifique | 945 | 3

Europe et Russie | 563 | 130

Reste de l'Amérique du Nord | 298 | 186

Afrique et Moyen-Orient | 280 | 15

Amérique du Sud | 23 | 184

Australie | 0 | 398

Source: Chambre de commerce du Montréal métropolitain, d'après Statistique Canada et KPMG-SECOR