La suspension du développement minier dans le nord du Québec a provoqué deux réactions diamétralement opposées dans les municipalités touchées. Dans certaines villes on profite de ce répit pour mettre en place les infrastructures de nouveaux quartiers. On veut être prêt à accueillir les nouveaux arrivants quand l'activité minière reprendra. C'est le cas à Chibougamau.

Dans d'autres endroits, on a carrément rangé les projets d'infrastructures de nouveaux quartiers dans la naphtaline. On y reviendra quand la conjoncture sera plus souriante. C'est le cas à Baie-Comeau.

Dans toutes les municipalités du Nord, on avoue être devant deux craintes également angoissantes: ne pas être prêt quand la ruée vers l'or et le fer commencera; surinvestir et se retrouver seul avec la facture si les partenaires miniers éventuels font finalement défaut.

Chibougamau: le temps ou jamais

«Tout le problème revient à ceci: faire le pari de se préparer sans certitude» explique Manon Cyr, mairesse de Chibougamau. La municipalité a tout de même un ancrage rassurant. Métaux BlackRock vient, au milieu mars, au Forum sur le développement nordique d'Alma, de réitérer sa ferme intention de commencer la construction de sa mine de fer et vanadium vers la fin de 2013. La mine est située au sud-ouest de Chibougamau. On y emploiera 450 personnes durant la construction et 250 personnes pour l'exploitation.

«Il y avait déjà le projet de la mine de diamants Stornoway. BlackRock nous a convaincu de foncer, dit Mme Cyr. Il nous fallait des terres pour développer de nouveaux quartiers qui hébergeront les travailleurs. Le gouvernement du Québec nous a délégué la gestion de 150 terrains pris à même des terres publiques autour de Chibougamau. Début 2013, nous avons demandé une cession entière de ces terrains pour 1 dollar. Québec nous en a cédé 48 sur les 150.»

L'État a ses propres hésitations. Avant de céder le reste des 150 terrains à Chibougamau Québec a mis une condition: vendez à des promoteurs au moins 40% des 48 terrains que nous vous avons déjà cédés. «C'est typique de ce type de négociations sur les infrastructures au Nord, constate Jean-Sébastien Desroches, associé dans le cabinet d'avocats Lavery de Billy. Qui veut prendre le risque? Qui veut être blâmé en cas d'échec?»

Baie-Comeau: holà!

À Baie-Comeau on faisait aussi le pari de se préparer sans certitude. La mairesse Christine Brisson avait un vaste projet de développement domiciliaire en cinq phases assorti d'un règlement d'emprunt de 6 millions de dollars pour payer les nouvelles infrastructures, rues, trottoirs, égouts et lampadaires.

Mais le 18 mars dernier, surprise! Lors d'une réunion du conseil municipal, la mairesse a annulé la plus grande partie du projet de développement. Annulé aussi, l'emprunt de 6 millions.

«Les Cris avaient un projet hôtelier et devaient acquérir un vaste terrain pour 800 000 $, explique Mme Brisson. Ils avaient même fait un premier dépôt de 250 000 $. Mais ils ont finalement décidé de se retirer. Ça a créé des doutes dans le public. Au Conseil nous l'avons clairement senti. On a donc choisi d'y aller par petites étapes.»

On va donc se contenter pour l'instant de la phase 1. On parle de 20 terrains résidentiels dont 17 ont déjà trouvé preneurs.

Sept-Îles: pénurie résidentielle

Selon Serge Lévesque, maire de Sept-Îles, Plan Nord ou pas, la municipalité fait déjà face à une pénurie d'habitations. «On était déjà très à l'étroit. Fallait bouger. La question reste, évidemment, de développer sans surinvestir. Nous avons, hormis les projets forestiers et miniers, d'autres secteurs qui semblent prêts à se développer. Nos prévisions nous annoncent 8000 nouveaux résidants d'ici cinq ans. Donc, on développe.»

Le Conseil a prévu un budget de 50 millions pour acquérir les terrains et bâtir les infrastructures, sans aucune aide gouvernementale autre que la cession de certaines terres publiques. «Pour mousser la vente, on offre aux particuliers qui veulent acheter ces terrains directement de la municipalité de les payer 80% des coûts de développement encourus par la Ville, souligne M. Lévesque. On a en déjà vendu 300, ce qui a rapporté 7,8 millions à Sept-Îles.»