La croissance est une nécessité, mais elle se fait rarement sans à-coups. À chaque marche son effort. Portraits de nouveaux défis.

Méconnue, l'entreprise de Saint-Jérôme construit des autobus scolaires en matériaux composites. Son terrain de chasse s'étend jusqu'aux États-Unis. Défi: y vendre un produit plus cher à l'achat, mais moins coûteux à l'usage.

«Si vous réussissez à briser le panneau de plastique de cet autobus scolaire avec cette masse, on vous donne l'autobus.»

Ce défi a été lancé en octobre 2012 par le président d'Autobus Lion, Marc Bédard, lors d'une foire commerciale à Memphis, au Tennessee. Quand on introduit un produit radicalement nouveau dans un marché conservateur, il faut quelquefois des arguments qui frappent pour briser le mur des préjugés. Les concurrents américains dénigraient la solidité de ces panneaux de plastique qui ceinturent la caisse du nouvel autobus scolaire québécois.

Le panneau a résisté et la réputation du véhicule s'en est trouvée renforcée.

Depuis l'automne 2011, Autobus Lion assemble à Saint-Jérôme des autobus scolaires résolument innovateurs, dont la carrosserie est presque entièrement moulée en fibre de verre. C'est le seul constructeur canadien, devant les colosses américains Thomas, Blue Bird et IC.

L'entreprise a été discrètement fondée en 2008 par Marc Bédard, comptable agréé de 48 ans qui avait siégé au conseil d'administration d'Autobus Corbeil, et Camile Chartrand, âgé de 61 ans, ex-président de cette entreprise quadragénaire fermée en 2007.

«Il y a toutes sortes de belles valeurs qui sont véhiculées dans les autobus scolaires», lance Marc Bédard en une jolie image, pour expliquer son intérêt pour le transport des écoliers.

Les fondateurs voulaient construire un autobus scolaire qui répondrait véritablement aux besoins de ses propriétaires, chauffeurs et mécaniciens. «On a travaillé pendant trois ans et demi sous le radar, décrit M. Bédard. On a rencontré 500 opérateurs en Amérique du Nord et on a réussi à garder ça confidentiel.»

L'autobus Lion 360° - c'est son nom - montre un nez étroit surmonté d'un large pare-brise enveloppant, des blocs optiques félins, des flancs lisses et des panneaux de bas de caisse galbés. «Trois ans et demi, c'est relativement court pour accoucher d'un autobus complet comme ça», fait valoir le président.

Transport d'enthousiasme

Marc Bédard est souriant, enthousiaste et volubile en parcourant l'usine, où une demi-douzaine d'autobus sont en cours d'assemblage.

«Je vous présente notre plus vieil employé», dit-il. Marc-André Rémillard a 26 ans. Premier employé de l'entreprise, il a été engagé tout fraîchement émoulu de l'École de design industriel. C'est dire l'importance que les deux entrepreneurs accordaient à l'innovation. Souhaitant le soutien d'un mentor, le jeune designer a eu l'heureuse surprise de voir apparaître le consultant Paul Deutschman, réputé designer québécois de véhicules.

Ce sont eux qui ont donné ses lignes à l'autobus et ont conçu son poste de conduite, en étroite collaboration avec les ingénieurs de l'entreprise.

Plutôt que rivetés, les longs panneaux latéraux, le toit et les panneaux avant et arrière, tous en fibre de verre, sont collés sur la structure en acier galvanisé. «Un des autobus de nos concurrents a 7000 rivets, indique-t-il. Le nôtre en compte 250.»

Sur une plate-forme de transport - elle-même conçue par l'entreprise -, trois toits d'autobus récemment livrés attendent d'être fixés. Moulé d'une seule pièce, chacun mesure 102 po (2,6 m) de largeur sur 33 pi (10 m) de longueur! Comme un bateau renversé, il ne comporte aucun joint qui pourrait fuir sous les intempéries.

Avec ces 102 po de largeur, le maximum autorisé, l'autobus Lion compte 6 po de plus que ses concurrents. Les acheteurs ont le choix entre une allée centrale de 18 po plutôt que les 12 po habituels et des banquettes élargies de 3 po. Avec cette dernière option, Autobus Lion est le seul à offrir des sièges avec trois ceintures de sécurité à trois points d'attache.

Chers enfants, cher autobus

Plus large, l'autobus Lion est aussi environ 5 % plus cher que ses concurrents, avec un prix d'achat qui approche les 100 000$.

Ses matériaux lui procurent toutefois une économie de poids qui, associée à un aérodynamisme soigné, permet à l'entreprise de se targuer de la meilleure consommation de carburant de l'industrie.

Les matériaux composites et les polymères - dans la cage d'escalier et le tiroir à batterie, notamment - éliminent la corrosion et réduisent les coûts d'entretien. Avec une longévité de 15 ans plutôt que 12, le constructeur peut faire valoir un coût total de possession inférieur.

Les exploitants de parcs d'autobus scolaires, qui louent leurs services aux commissions scolaires, sont plutôt sensibles à cet argument. Par contre, lorsque ce sont des commissions scolaires qui sont propriétaires des véhicules, comme c'est fréquemment le cas aux États-Unis, le coût d'achat devient prioritaire.

Autobus Lion doit faire accepter à la fois des caractéristiques inédites et un coût d'achat supérieur à un milieu prudent et conservateur.

Un intéressant problème d'arithmétique.

LE REGARD D'UN SPÉCIALISTE

Visitez notre blogue Café PME pour lire les observations d'un expert à propos de la situation d'Autobus Lion.

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