Avec ses avoines spécialisées pour chevaux, l'entreprise de Plessisville veut gagner - des marchés - sur les pistes de course de l'Amérique.

C'est une barre de céréales avec avoine, miel et mélasse, sous un emballage individuel au graphisme attrayant, comme toutes les barres tendres. Mais l'Equabar s'adresse à Jolly Jumper plutôt qu'à Lucky Luke.

Première barre énergétique pour chevaux, elle est fabriquée par Semican, entreprise de 75 employés située à Plessisville. «Ce n'est pas mon idée, c'était l'idée de quelqu'un dans le domaine», lance Jacques Beauchesne, président de la firme, qu'il a fondée en 1982.

Cette précaution à ne pas prendre pour lui un mérite qui ne lui revient pas (ou pas entièrement) est une délicatesse qui surgira pendant toute la durée de l'entrevue. «Il n'y a pas un bouffon qui peut faire ça tout seul», dit l'homme de 66 ans.

Le marché équestre s'est imposé à lui presque par hasard. D'abord producteur et conditionneur de céréales, il s'est ensuite spécialisé dans la production de semences et la mise au point de nouveaux cultivars d'avoine, de blé et de soya.

La production de semences n'occupait toutefois l'entreprise que six mois par année. «Si on voulait garder nos gens à l'année, il fallait avoir un procédé pour travailler les grains et les exporter», explique M. Beauchesne.

Il a opté pour la production d'avoine pour chevaux.

L'avoine mise à nue

Sur son cheval en pleine course, le jockey tourne la tête vers l'arrière pour voir où en sont ses poursuivants, loin, loin derrière, à 30 longueurs de distance.

Cette photo du légendaire Ron Turcotte montant le fameux Secretariat, lors de sa victoire au Belmont Stakes, en 1973, orne le sac d'avoine nue pour chevaux Equavina Turcotte Line, de Semican.

L'avoine nue n'a pas pour but d'émoustiller les étalons. C'est une variété dont l'enveloppe, peu digeste, tombe au moment de la récolte, au contraire de l'avoine vêtue (c'est son nom!), qui la conserve.

Jacques Beauchesne a été amené à s'y intéresser par un réputé chercheur d'Ottawa, Vern Burrow. «S'il n'avait pas été là, je ne serais pas dans l'avoine nue», insiste-t-il.

Le chercheur d'Agriculture Canada avait patiemment mis au point des variétés d'avoine nue plus productives. Semican a ensuite créé une variété à haute teneur en gras, idéale pour fournir un surcroît d'énergie aux purs-sangs. «Une question de chance», précise Jacques Beauchesne, toujours modeste. «On peut croiser pendant 10 ans sans qu'on trouve.»

Semican est donc un précurseur dans l'utilisation de l'avoine nue? «Pas du tout, corrige-t-il. On a eu l'aide de l'entraîneur Kiaran McLaughlin.»

Entraîneur à Dubaï pendant plusieurs années, McLaughlin avait découvert là-bas les vertus de l'avoine nue australienne. De retour en Amérique, il avait adopté l'avoine nue que Semican commençait à commercialiser. «En 2006, ses chevaux, qu'on alimentait, ont remporté presque toutes les courses et ça nous a donné un coup de main», relate Jacques Beauchesne.

Aux États-Unis, Semican demeure pratiquement le seul fournisseur d'avoine nue pour chevaux de course. C'est pour faire introduire cette nouvelle nourriture dans ce milieu très conservateur que Jacques Beauchesne a fait appel au jockey du Nouveau-Brunswick.

Il y aura 40 ans à l'été que Secretariat, monté par Ron Turcotte, a remporté la Triple Couronne américaine. «Semican a un bon produit, c'est pourquoi je l'ai appuyé», explique le jockey, en français, de sa résidence au Nouveau-Brunswick. Il s'est rendu chez Semican pour voir ses installations, il est allé visiter l'entraîneur Kiaran McLoughlin. «Je croyais en ce produit, ajoute-t-il. Chez moi, on a toujours eu des chevaux. J'avais pris soin des chevaux avant de les monter. Après m'être blessé, j'ai eu des chevaux pour mes enfants. J'ai cultivé des céréales. J'avais une bonne idée de ce qui était bon.»

Devenu paraplégique à la suite d'une chute en course en 1979, il a demandé que ses redevances pour l'Equavina Turcotte Line soient versées au Permanently Disabled Jockey Fund.

Un marché capricieux

L'exportation de produits pour chevaux, principalement aux États-Unis, mais également à Porto Rico, au Koweït, au Qatar et à Dubaï, occupe 50% du chiffre d'affaires de Semican. Elle exporte du fourrage et de l'avoine vêtue ou nue depuis 20 ans vers les pistes de course américaines, qui génèrent une demande constante toute l'année. Mais le marché équestre est aussi imprévisible qu'un pur-sang anglo-arabe. Jacques Beauchesne prévoyait que ses barres de céréales Equabar procureraient un apport énergétique en situation de travail - pendant de longues randonnées, par exemple. Elles ont plutôt servi de gâteries ou de récompenses pour chevaux méritants. «Ce ne sont pas les gars de course qui en achètent, mais les jeunes femmes qui ont des chevaux.»

Ce n'est pas plus mal, mais il faut ajuster la mise en marché en conséquence.

Un nouveau défi s'ensuit: ce sont deux gammes d'aliments pour chevaux, mais chacune avec sa clientèle et son réseau de distribution.

Et aucun croisement possible entre eux.

Le regard d'un spécialiste

Visitez notre blogue Café PME pour lire les observations d'un expert à propos de la situation de Semican.

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