Au palmarès des villes canadiennes les plus propices à l'entrepreneuriat, les communautés québécoises font un tir groupé entre la 11e et la 22e position. Existe-t-il une diète entrepreneuriale québécoise?

Ya-t-il un paradoxe québécois de l'entrepreneuriat, comme il y a un French paradox de la nutrition?

Le Québec n'est pas réputé pour la vigueur de sa fibre entrepreneuriale, ni pour sa fiscalité avantageuse.

Pourtant, au palmarès 2012 des villes entrepreneuriales de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI), 9 agglomérations québécoises figurent entre la 11e et la 22e position, et la 10e ville occupe le 25e rang sur 103.

Qu'est-ce qui permet ce tir groupé?

Mystère.

«Je serais bien embêté de vous donner la raison précise de cette bonne performance au classement, déclare Simon Gaudreault, économiste à la FCEI. C'est contre-intuitif. Peut-être que nos entreprises ont une très grande résilience.»

Creusons un peu.

Il s'agit de la cinquième étude annuelle de la FCEI, intitulée Des collectivités en plein essor. En 2012, elle s'appuie sur 14 indicateurs répartis en 3 catégories - 2 indicateurs de plus qu'en 2011, avec quelques ajustements aux méthodes de mesure. Pour permettre des comparaisons plus justes, l'étude 2012 présente d'ailleurs un remaniement des résultats de 2011 en fonction de ces nouveaux critères.

Dans la première catégorie - la présence entrepreneuriale -, on mesure la densité d'entreprises et la croissance de l'entrepreneuriat.

La catégorie de la perspective examine pour sa part l'optimisme des entrepreneurs et leurs projets de croissance.

Enfin, le facteur politique tient compte de la fiscalité et de la réglementation sur le plan municipal.

Le résultat des villes québécoises est d'autant plus étonnant que la politique est la catégorie la plus significative, avec une pondération de 40 points sur 100.

«Le fardeau fiscal des PME québécoises est le plus élevé de toutes les provinces, explique l'économiste. Le Québec est un des endroits où le coût de la paperasse est le plus élevé en proportion du PIB.»

Les neuf premières positions sont monopolisées par des communautés de l'Alberta et de la Saskatchewan, des provinces qui «connaissent un boom pétrolier qui crée toutes sortes d'occasions économiques», rappelle Simon Gaudreault. «Mais cela dit, elles ont aussi obtenu un très bon score en matière de fiscalité et de réglementation», ajoute-t-il.

En 10e position, Saint John's, à Terre-Neuve, est aussi favorisée par l'exploitation pétrolière.

Vient ensuite le peloton québécois. En fait, il semble que l'optimisme de leurs entrepreneurs permet aux 10 premières villes québécoises de se démarquer de leurs concurrentes. Elles distancent ainsi de nombreuses villes de l'Ontario, de l'Atlantique ou de la Colombie-Britannique qui montrent une présence entrepreneuriale et une politique fiscale équivalentes, voire supérieures.

Serpents et échelles

Cela dit, le peloton de tête québécois connaît des fluctuations annuelles. Si Saint-Georges rend justice à la réputation d'entrepreneurs des Beaucerons en conservant le premier rang québécois (11e position du palmarès), d'autres villes ont par contre subi des glissades dignes du jeu des serpents et échelles.

Trois-Rivières a dégringolé de 29 places, de la 12e (classement 2011 remanié) à la 41e. Comme les facteurs de présence et de politique sont demeurés inchangés, cette dérouillée est entièrement attribuable au facteur perspective, dont la cote est passée en un an de 23 à 15 (sur un maximum de 35).

Mais que s'est-il passé à Trois-Rivières pour que ses entrepreneurs voient soudainement l'avenir d'un oeil si sombre? «On ne trouve pas de raison ou de réponse», affirme Yves Marchand, directeur général d'Innovation et Développement économique Trois-Rivières. «On s'explique très mal ce résultat. Ce qu'on vit sur le terrain ne reflète pas du tout la situation décrite dans l'étude. On a encore plein de projets en voie de réalisation et de concrétisation.»

Seule hypothèse: l'incertitude liée à la centrale nucléaire Gentilly-2, dont la fermeture a finalement été annoncée cet automne.

Avec un peu de discrétion, ce mauvais résultat ne devrait pas faire trop de mal. «On pense que l'effet va être négligeable, soutient Yves Marchand. Évidemment, quand les chiffres sont meilleurs, on a tendance à les utiliser davantage.»

C'est précisément ce que fait Saint-Hyacinthe, qui a toutes les raisons de pavoiser: la ville est passée en 2012 du 27e au 12e rang, un bond de 15 positions. Le centre local de développement (CLD) Les Maskoutains s'est d'ailleurs empressé de publier un communiqué pour faire connaître cette performance.

C'est dans la catégorie du facteur politique que Saint-Hyacinthe a fait le plus de gains. Cette fois, on trouve des explications.

«Il y a une implication beaucoup plus forte de la part du conseil municipal de Saint-Hyacinthe sur le plan du développement économique, avec une participation très importante pour cautionner la Cité des biotechnologies dans le développement de son parc technologique», précise Mario De Tilly, directeur général du CLD Les Maskoutains. «Ça a dû avoir un impact assez important.»

Il souligne également la bonification des crédits d'impôt foncier, particulièrement pour les entreprises qui «vont respecter la philosophie du développement durable».

À suivre l'an prochain.

Pourquoi un palmarès?

À quoi et à qui sert le classement des villes entrepreneuriales?

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