L'ancien gouvernement Charest est-il allé trop vite en annonçant qu'il souhaitait protéger 50% du territoire du Plan Nord d'ici 2035? Du côté des défenseurs de l'environnement comme de l'industrie, on a parfois l'impression qu'il a fait les choses à l'envers. Comment protéger un territoire dont on ne connaît que très peu les caractéristiques?

«On parle de créer 20% d'aires protégées d'ici 2020. Mais il ne faudrait pas que ce soit des aires protégées «touski», c'est-à-dire qu'on protège «touski reste»», lance Christian Simard, directeur général de Nature Québec.

L'avocat Charles Kazaz, qui représente plusieurs clients des secteurs commercial, industriel et minier chez Blakes, à Montréal, abonde dans le même sens. Ses intérêts ne sont toutefois pas les mêmes. «Je ne sais pas comment ce chiffre-là a été établi. De se donner 50% comme cible, c'est un peu travailler à l'envers. On travaille en fonction d'un objectif sans regarder la question de nécessité de protection», considère le juriste.

Le projet de loi 65, déposé en avril et mort au feuilleton, déterminait les grandes lignes du cadre législatif pour la protection de l'environnement. On promettait alors que la moitié des 1,2 million de km2 du territoire du Plan Nord allait être protégé dans un horizon de 23 ans. «Et permettez-moi d'être clair, disait alors le ministre du Développement durable, Pierre Arcand. Cela veut dire: pas de mines, pas d'hydroélectricité, pas d'industrie forestière et pas même d'énergie éolienne.» Trop beau pour être vrai, selon les environnementalistes?

«Le développement durable, ce n'est pas des aires protégées entourées de sites dévastés, estime M. Simard. Il faudrait inverser la matrice: conserver d'abord, exploiter ensuite. Le Plan Nord, c'est plus une liste d'épicerie de projets réalisés un par un, sans vision d'ensemble. On s'est bousculé pour rendre réalisable un boom minier le plus rapidement possible en se disant qu'on réglera les problèmes environnementaux et sociaux au fur et à mesure.»

Mieux définir les besoins

Pour les clients de Me Kazaz, le problème se pose différemment. On veut bien protéger, mais pas les yeux fermés. «Il faut premièrement définir ce qui a une valeur écologique et ce qui mérite d'être protégé, sans nécessairement dire qu'il faut atteindre 50% du territoire. Sinon, il risque d'y avoir un impact financier sur le développement. Par exemple, si j'ai besoin de construire une ligne de transmission, un chemin de fer ou une route pour arriver à mon site d'exploitation, mais que je dois contourner une aire protégée parce qu'on s'était donné une cible, ça m'oblige à faire un détour de 100 km et ça augmente le coût de mon projet», illustre l'avocat.

L'arrivée du Parti québécois (PQ) au pouvoir est venue changer la donne, promettant de nouvelles orientations au développement nordique et essayant tant bien que mal de se départir de la dénomination du Plan Nord. Or, plusieurs observateurs et groupes de pression se plaignent de ne pas encore avoir eu droit à une vision claire de la part du nouveau gouvernement. C'est le cas de Me Jean Baril, du Centre québécois du droit de l'environnement.

«Pour le moment, on est encore dans l'inconnu. C'est le même traitement au nord, au sud, à l'est et à l'ouest. Le Plan Nord, ou plutôt le Nord pour tous, ça reste un terme plus marketing qu'autre chose. Tant et aussi longtemps qu'aucune règle ne sera insérée dans un texte de loi ou un règlement, ça vaut la parole de celui qui l'a dit.»

Bien qu'il se réjouisse que le gouvernement ait choisi de «serrer la vis» en diminuant de 124 millions sa contribution à la construction de la route 167 menant aux monts Otish, Ugo Lapointe, de la Coalition Pour que le Québec ait meilleure mine, demeure inquiet quant à l'avenir. «Ce n'est pas clair, la vision du PQ avec le Plan Nord. On nous dit que ça va être mieux que le gouvernement libéral, mais c'est quoi le plan? Ce n'est pas concret.»

Au ministère du Développement durable et au cabinet de la ministre des Ressources naturelles, on n'a pas été en mesure de fournir les orientations précises du nouveau gouvernement. Le site internet du Plan Nord, qui n'a pas été mis à jour depuis juillet, fait toujours état des cibles de 20% et 50% d'aires protégées d'ici 2020 et 2035.

Le ministère de l'Environnement nous a toutefois fait parvenir un courriel qui répond sommairement à nos questions. «À très court terme, le gouvernement entend atteindre, en 2015, 12% d'aires protégées en milieu aquatique d'eau douce et terrestre et 10% d'aires protégées en milieu marin et estuarien. Ces orientations s'appliquent à l'échelle de tout le Québec et seront modulées selon les différentes zones géographiques.»

À titre d'exemple, la cible est d'au moins 12% dans la zone nord du Québec, tout comme elle l'est dans la zone centrale, qui inclut la forêt boréale. Au moins 10 000 km2 seront consacrés au maintien d'espèces menacées ou vulnérables, tel le caribou forestier.