Le ministre de l'Environnement du Québec, Daniel Breton, a indiqué, le 18 octobre dernier, qu'il allait demander au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement du Québec (BAPE) d'étudier la question de l'exploration et de l'exploitation de l'uranium au Québec.

Du coup, le ministre a stoppé net les travaux d'exploration de la minière Strateco dans les monts Otish.

Cette situation ne plaît pas à l'Association d'exploration minière du Québec (AEMQ). Sa directrice générale, Valérie Fillion, s'inquiète d'un possible moratoire sur l'exploration d'uranium, comme ce fut le cas pour le gaz de schiste.

«Va-t-on se retrouver avec un BAPE générique sur tout l'uranium? demande-t-elle. Ça revient à un moratoire virtuel sur toute la filière. Et je dois dire que la procédure actuelle du ministre est très inhabituelle.»

C'est que d'ordinaire, le BAPE n'intervient qu'au moment du dépôt de la demande de bail minier. Or, Strateco, dans le projet Matoush, n'en est encore qu'au stade de l'exploration. «Cette intervention hâtive, précoce, a jeté une inquiétude sur l'ensemble des explorateurs miniers, pas seulement ceux qui cherchent de l'uranium», ajoute Mme Fillion.

Strateco est restée muette devant nos questions. «Nous sommes en attente d'une décision du Ministère», a dit Guy Hébert, président de l'entreprise.

Stade d'exploration

Mais d'autres sont beaucoup moins surpris du coup de frein du ministre Breton. René Branchaud est un de ceux-là. L'avocat, associé et responsable du Plan Nord chez Lavery de Billy, croit que c'est le stade d'exploration auquel arrive Strateco qui motive le holà environnemental.

«Strateco n'en est plus à extraire quelques carottes de roche en surface, précise-t-il. On en est à l'échantillonnage en vrac. On parle de creuser une galerie de 300 mètres et d'extraire non des kilos, mais bien des tonnes de minerai potentiellement radioactif.»

Pourtant, Strateco a reçu l'aval de l'autorité fédérale pour aller de l'avant le 18 octobre dernier. La Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) a approuvé son échantillonnage en vrac par exploration souterraine.

C'est la toute première fois dans l'histoire québécoise de l'exploration minière de l'uranium qu'un projet se rend à ce stade de développement. Ce qui déçoit l'Association de l'exploration minière du Québec, qui parle de non-respect des règles par le gouvernement du Québec.

«Le projet est conforme aux lois, insiste Valérie Fillion. L'exploration de l'uranium est régie par la CCSN. Quand cette agence donne son O.K., ce devrait être final. Le BAPE n'a pas à intervenir à cette étape.»

Pour Me Branchaud, par contre, l'intervention du ministre et celle du BAPE sont absolument légitimes. «En droit, le gouvernement peut parfaitement faire intervenir le BAPE à toute étape des travaux d'une minière. Un BAPE peut même avoir un effet rassurant sur les populations concernées en démontrant publiquement que les inquiétudes exprimées ne sont pas fondées. Pour les minières, c'est désagréable, mais à long terme, ça peut être bon pour l'industrie.»

Audiences publiques

Certains trouvent inutile l'idée d'audiences publiques dans le cas du projet Matoush de Strateco. Nochane Rousseau, associé, secteur minier, chez PricewaterhouseCoopers, est un de ceux-là.

«Il y a déjà eu des consultations publiques sur le projet, dit-il. Pour que la CCSN accorde son O.K., c'est obligatoire. Elles ont déjà eu lieu et se sont conclues en juin 2011. Et la Commission a jugé que rien dans ces consultations publiques n'empêchait Strateco d'aller de l'avant. Je suis surpris de ce que le ministre Breton veuille recommencer l'exercice.»

C'est moins surprenant si on se rappelle que les Cris de Mistissini se sont opposés au projet Matoush et l'ont exprimé au cours des consultations et dans le rapport du Comex déposé en juillet 2011.

Le Comex est un comité permanent créé en 1975 lors des accords sur la Baie-James. Il comprend trois membres nommés par le gouvernement du Québec et deux nommés par l'Autorité régionale crie. Il se penche sur tout projet de développement pour en mesurer les impacts environnementaux et sociaux.

Le rapport du Comex rappelle que le conseil de bande cri de Mistissini recommande le refus du projet Matoush, faute d'avoir suffisamment confiance dans ce projet à cette étape-ci. Le rapport donne son aval au projet, mais seulement si un accord écrit intervient entre le promoteur et le conseil de bande.