Le gouvernement Marois ne perd pas le nord. Il a toutefois changé de boussole. On ne parle plus de Plan Nord, mais de Nord pour tous. Survol de ce nouveau paysage.

Depuis les épinettes jusqu'aux lichens.

Le territoire demeure le même, couvrant tout le nord du 49e parallèle. Dès lors, quelle est la différence entre le Plan Nord et le Nord pour tous, annoncé par le gouvernement Marois le 31 octobre?

«Toute la vision du développement du Nord, répond la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet. Notre vision, c'est que le Nord soit développé premièrement au bénéfice de l'ensemble de la collectivité québécoise et dans un souci de meilleure protection de l'environnement, mais toujours en association avec les collectivités locales.»

Elle cite comme exemple l'entente renégociée avec Les Diamants Stornoway pour parachever la route 167 vers les monts Otish. «Ça a permis une économie de 125 millions pour l'ensemble de la société québécoise.»

Le budget Marceau a énoncé la règle: les infrastructures liées à un projet minier seront à la charge de l'entreprise. «Lorsque c'est une seule mine qui nécessite l'infrastructure, ce sera une infrastructure publique pour permettre une accessibilité équitable au territoire, mais avec un financement des utilisateurs», décrit Martine Ouellet.

Le gouvernement veut également inciter les minières à accroître la transformation des matières premières au Québec.

Le nouveau fonds Capital Mines Hydrocarbures prévoit une enveloppe de 750 millions, dont 500 millions seront dévolus aux investissements dans des entreprises «qui exploitent des substances minérales situées sur le territoire nordique».

« On est cependant réalistes, ce n'est pas 100 % du minerai extrait du Québec qui sera transformé, précise Mme Ouellet. Il faudra trouver les niches où il y a le plus d'intérêts économiques. «

Le point le plus sensible demeure l'accroissement des droits miniers. Le Parti Québécois avait proposé une redevance minimale obligatoire de 5% sur la valeur brute de production, plus une taxation de 30% sur les profits supérieurs à 8%.

«Nous pensons qu'un volet hybride permet d'avoir les avantages des deux systèmes sans avoir les inconvénients», exprime la ministre.

Une consultation sur cette question sera convoquée avec les minières, consultants, universitaires et autres intervenants. «L'objectif est ferme: nous voulons plus de redevances pour l'ensemble de la collectivité, dit-elle. Sur les moyens, il y a discussion.»

Des discussions, il y en aura.

Sur le régime de droits miniers, l'opinion de Guillaume Caudron, directeur chez SECOR et coauteur d'une étude sur les retombées économiques du Plan Nord, est sans appel: «Il ne faut pas y toucher.»

«Le régime sur les profits tels qu'il est appliqué actuellement est le bon système pour le Québec, affirme-t-il. On ne peut pas taxer sur la valeur du minerai parce que sinon, avec les coûts d'exploitation plus élevés, il est sûr que les investisseurs iront ailleurs.»

Sans surprise, l'Association minière du Québec (AMQ) partage entièrement ce point de vue.

«Avec ce régime, on vit en équilibre, soutient sa présidente-directrice générale Josée Méthot. Quand on nous dit qu'il va y avoir des changements, on sait qu'on va devoir tout recommencer les analyses financières de chaque projet, pour évaluer l'impact que ça va avoir sur les activités minières au Québec.»

Quelle que soit son étiquette - Plan Nord, Nord pour tous, Nordiques du Québec... - un programme de développement des ressources nordiques était nécessaire, estime Michel Jébrak, titulaire de la chaire UQAT-UQAM en entrepreneuriat minier.

«Si on ne le fait pas, d'autres vont le faire à notre place. Pas de plan, ça devient le plan des autres.»

Tout est question de manières. Car rien ne provoque plus d'émoi dans l'univers des ressources minérales que l'innocent mot «incertitude».

La veille de la présentation du budget Marceau, l'annonce par Cliff Natural Resources de l'interruption des travaux de la phase 2 de la mine du Lac Bloom, «en raison de la volatilité des prix du fer et de l'instabilité des marchés», est arrivée à point nommé pour rappeler la mince marge entre une mine rentable et une autre qui creuse sa tombe.

Le prix du minerai de fer, qui se maintenait encore à 177$ la tonne en septembre 2011, avait chuté sous le seuil des 100$ un an plus tard.

«C'est la preuve que c'est une industrie cyclique, énonce Valérie Filion, directrice générale de l'Association de l'exploration minière du Québec. C'est la réalité de cette industrie.»

Avec un pied sur un terrain aussi mouvant, l'industrie minière souhaite que son autre pied soit campé sur un sol gouvernemental bien ferme. «Lorsqu'on fait de l'exploration, on a besoin de règles transparentes, stables et prévisibles, indique-t-elle. Si on a ça, on va réussir à avoir du succès dans nos projets.»

Le Nord: une mine de compétences

Pour Michel Jébrak, il manquait au Plan Nord - il manque toujours - un plan «savoir».

«On ne l'a fait que sur le plan économique, et il manque un segment, exprime-t-il. L'exemple le plus typique, c'est que ça reste une région où il n'y a aucun collège. Ça ressemble à une situation néocoloniale.»

Quel que soit son nom, le développement du Nord offre au Québec la chance de prospecter un autre riche filon, celui des compétences et de l'innovation nordiques.

«Un savoir-faire dans le Nord a été développé, dit-il: les relations avec les gens, la manière de gérer le territoire, l'observation des changements climatiques...»

Il propose déjà le moyen: un Institut du Nord du Québec.