Juin 2012. À Pékin, Vladimir Poutine et Hu Jintao lancent un grand fonds d'investissement de plus de 2 milliards de dollars à l'attention préférentiellement des sociétés russes. Une annonce qui aurait pu mettre plus de temps à venir si ce n'avait pas été du travail de l'avocat de Québec Christian Racicot.

Pour cet organisateur de la Conférence de Québec (QCC), mettre en relation les plus grands investisseurs de la planète est devenu un travail quotidien. Par l'entremise d'un forum spécial appelé Table ronde des investisseurs institutionnels (IIR), il réunit plusieurs fois par année les acteurs principaux des plus grands fonds souverains et sociétés d'investissement institutionnelles de la planète, et ce, autant à Québec qu'un peu partout à travers le monde.

Coup de fil

C'est d'ailleurs quelques semaines après la Conférence de Québec, en 2011, que Christian Racicot reçoit un coup de téléphone en provenance de Russie. Au bout du fil, Kirill Dmitriev. Le jeune professionnel, à qui on confiera bientôt le Fonds russe d'investissement direct (RDIF), souhaite inviter une poignée de bonzes de la finance à le rejoindre à Moscou pour discuter des possibilités d'investissement en Russie, mais aussi de l'architecture de son fonds.

L'avocat de Québec accepte d'organiser l'événement.

Quelque part en mai, le groupe se réunit finalement dans la capitale russe. Après avoir serré la main d'un certain Vladimir Poutine, alors premier ministre, et fait la rencontre d'Ermolaï Soljenitsyne, fils du célèbre écrivain, les membres de la table ronde terminaient la journée sur un bateau-mouche à filer sur la Moskva.

Christian Racicot y était aussi. À ses côtés, Kirill Dmitriev et des investisseurs venus des quatre coins du monde. Des représentants de fonds totalisant plus de 2 billions selon ce qu'avance le RDIF. Parmi ces investisseurs, des Chinois, représentants de la China Investment Corporation (CIC), une société d'investissement du gouvernement chinois dont la fortune dépasse les 400 milliards de dollars.

Liens d'affaires

Selon l'avocat de Québec, cette rencontre de Moscou a non seulement permis de souder des liens d'affaires, mais a également permis à Kirill Dmitriev de connaître les attentes de ses futurs co-investisseurs à l'égard de son fonds. «Ça a contribué à définir le véhicule qu'est devenu le RDIF», explique Christian Racicot.

Le mois suivant, le grand fonds de 10 milliards piloté par Kirill Dmitriev était officiellement lancé. L'année suivante, il ficelait l'entente qui unissait son groupe au grand fonds chinois.

«Ce que cette histoire signifie, c'est que l'IIR fonctionne pour vrai, explique Christian Racicot. Ça dépasse largement l'histoire d'une conférence et ça explique que l'IIR est devenu en fait une plateforme pour créer des véhicules d'investissement entre joueurs globaux. Le RDIF est la première réussite.»

Investisseurs frileux

Si le RDIF a connu du succès au cours de sa première année existence, ce n'est pas parce que la tâche d'intéresser les investisseurs étrangers à mettre le pied en Russie était facile.

Selon Jean-Pierre Couture, économiste et stratège spécialisé dans les marchés émergents chez Hexavest, plusieurs pays émergents, notamment le Brésil, représentent des options d'investissement beaucoup plus sécuritaires pour les sociétés étrangères.

«La Russie est un marché qui est extrêmement volatil, qui est corrompu et où il y a une grande concentration sectorielle dans les produits de base, explique-t-il. Ça prend de fortes convictions et une tolérance au risque élevé pour investir là-bas.»

Selon l'expert d'Hexavest, un véhicule comme le RDIF qui cherche à amener les fonds étrangers à co-investir avec lui dans les sociétés russes pour diviser le risque saura peut-être pallier le déficit d'investissements que connaît le pays. «Le grand défi des Russes, c'est d'attirer les investissements étrangers», souligne-t-il.