Il y a émergents et émergents. Sur les quelque 25 pays dits émergents, tous n'émergent pas du même point, ni avec la même impulsion.

«Ce n'est pas homogène, lance Maurice Marchon, professeur titulaire à l'Institut d'économie appliquée de HEC Montréal. La Corée du Sud est toujours classée comme pays émergent, mais c'est peut-être le pays qui est le plus proche des pays industrialisés. Par contre, au Vietnam, en Égypte ou en Iran, le revenu par habitant est beaucoup plus faible.»

Économie, taille, régime politique, culture: ces pays sont différents, suivent des voies différentes, forment des marchés différents.

Ils diffèrent notamment par le rôle que joue l'État. L'Inde et le Brésil sont des démocraties avec un marché relativement libre. Ailleurs, un gouvernement plus dirigiste donnera les impulsions et les orientations économiques. En Chine, au Vietnam et, à certains égards, en Russie, l'État sera « stratège, programmeur, protecteur, et quelquefois producteur », explique Zhan Su, professeur de stratégie et de management international à la faculté des sciences de l'administration de l'Université Laval.

Des différences de taille

Le calibre des pugilistes varie beaucoup dans le ring de l'émergence.

«Les gros - Chine, Inde, Brésil - commencent à avoir pas mal émergé», observe avec humour Simon Prévost, économiste et président des Manufacturiers et exportateurs du Québec. «Mais une des caractéristiques des pays émergents, poursuit-il, c'est que leurs classes moyennes sont en train de se construire ou sont en forte croissance. Dans ce sens, ces trois pays se qualifient encore comme émergents.»

Avec la Russie, le Brésil, l'Inde et la Chine forment un quatuor de champions qui avait déjà été marqué comme prioritaire par Goldman Sachs par l'acronyme BRIC. Ils représentent près de 20% de l'économie mondiale, observe Zhan Su, «et leur part va continuer de s'accroître». Leurs populations combinées rassemblent environ quatre humains sur dix.

Les autres pays émergents sont plus malingres. Si le Bangladesh (158 millions d'habitants) et le Nigeria (162 millions) sont populeux, l'Argentine (40 millions) ou la Malaisie (28 millions) forment des marchés beaucoup plus modestes.

Voies de développement

Les avenues de développement sont aussi fort variées. La Chine a choisi le chemin de l'industrie de la fabrication. Le Vietnam emprunte la même voie. «Dans d'autres pays comme le Brésil, le Mexique, le Pérou et même la Russie, la priorité est plutôt d'exploiter leurs ressources naturelles», fait valoir Zhan Su.

Pour sa part, l'Inde contredit l'idée reçue selon laquelle un pays en développement fait son apprentissage avec des technologies faciles d'accès. «Ce pays a commencé à se faire entendre sur la scène internationale surtout dans certains segments de haute technologie:logiciels, pharmaceutique, etc.», explique le professeur Su.

Barrières à l'entrée

«Il faut regarder les barrières à l'entrée en matière de normes techniques, de tarif douanier, de protection de l'industrie locale», précise Alain Proulx, directeur d'Export Québec, le nouvel organisme du ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation (MDEIE) responsable depuis l'automne 2011 de soutenir les exportateurs québécois.

L'ampleur et la résistance de ces obstacles sont très variables. La Hongrie, la République tchèque ou la Pologne, considérées par plusieurs comme émergentes, sont membres de l'Union européenne, avec laquelle un accord de libre-échange est en cours de négociation.

Mais certains pays dressent des murailles imposantes autour de secteurs d'activité jugés primordiaux. «La principale banque chinoise compte 160 000 succursales, et elle prévoit en ajouter 2000 au cours des cinq prochaines années, dit Maurice Marchon. Mais pour les banques étrangères, la Chine accorde les autorisations au compte-gouttes.»

Un Nouveau Monde émergent à découvrir avec sagacité.

Part des exportations du Québec vers les marchés émergents

2011

13,2%

2007

7,6%

Source : EDC