Il a conseillé des centaines d'équipes de direction au cours des 35 dernières années. À 69 ans, Marcel Côté, fondateur de SECOR, n'a rien perdu de son intérêt pour les grands enjeux et les solutions novatrices. L'expert-conseil en stratégie vient de publier Innovation Reinvented, qu'il co-signe avec l'universitaire Roger Miller chez Toronto University Press. Dans cet ouvrage de 300 pages (disponible en anglais seulement), le tandem nous aide à mieux comprendre l'innovation dans son ensemble et, surtout, comment en tirer profit des pratiques gagnantes. Nous avons rencontré Marcel Côté cette semaine dans les bureaux de SECOR à Montréal.

Q: Vous dites que l'innovation est essentielle à la survie à long terme des entreprises et des économies, mais qu'il n'existe aucune stratégie universelle pour en assurer l'efficacité. Qu'est-ce que votre livre propose?

R: SECOR a commandité l'étude MINE (Managing Innovation in the New Economy), qui a duré près de 10 ans et pour laquelle nous avons envoyé 5000 sondages. Nous avons reçu 850 réponses. Des entreprises de partout dans le monde nous expliquaient leurs pratiques en matière d'innovation, mais surtout les performances en lien avec ces innovations. Nous avons analysé les données afin de trouver les modèles qui revenaient le plus souvent. Et nous en avons trouvé six, que nous présentons comme les six jeux de l'innovation.

Q: Quels sont ces six jeux?

R: Dans les marchés en émergence, le premier, «Eurêka», est l'amélioration rapide d'un nouveau produit pendant que son marché prend de l'ampleur, par exemple les cafetières Nespresso. Le second, «Bataille d'architecture», est ce qui passe actuellement avec les téléphones intelligents: de nouvelles plateformes qui offrent une vaste gamme d'applications à une nouvelle clientèle. Enfin, le troisième, «Percée de système», est déclenché par des clients ambitieux qui s'associent à des innovateurs afin d'éliminer les goulots d'étranglement et les blocages.

Les trois autres jeux touchent aux marchés parvenus à maturité. Le premier, «Nouveau et amélioré», permet de concurrencer par l'amélioration continue des produits et des processus. Procter&Gamble est passé maître dans ce jeu, notamment avec son Tide, qui est nouveau et amélioré depuis 15 ans. Le second, «Personnalisation de masse», est composé de systèmes complexes offrant un ensemble de bénéfices que chaque client peut personnaliser. Wal-Mart et Toyota en sont de bons exemples; les grands quotidiens, comme La Presse, aussi. Enfin, dans le dernier jeu, «Repousser les limites», on voit des clients ambitieux se doter d'un avantage concurrentiel en allant aux limites des technologies. Le meilleur exemple: Boeing et son Dreamliner (avion en matériaux composites).

Q: Pourquoi parle-t-on autant d'innovation ces derniers temps?

R: C'est cyclique. Les économistes ont commencé à parler des progrès technologiques endogènes il y a 15 ans. Ils ont prédit que la croissance économique reposerait sur les façons d'améliorer les choses et de les diffuser. Or, c'est exactement ce qui se passe. Si on parle autant d'innovation, c'est parce que l'économie dans les pays industrialisés croît trop lentement. Le problème, c'est qu'il n'y a pas de recette magique en innovation. Au cours des trois derniers mois, 275 livres ont été publiés sur l'innovation. Ça vous donne une idée de la popularité du sujet.

Q: Où le Québec se situe-t-il en terme d'innovation?

R: Notre grand problème, c'est le marketing. Nous sommes trop habitués à nous concentrer sur notre petit marché. Une innovation n'est rien si elle n'est pas accompagnée d'une grande stratégie de marketing. Le Québec n'a pas encore acquis un réflexe de marketing à grande échelle. Nous avons des atouts créatifs importants, nous sommes en fait un important carrefour de création. Malheureusement, le gouvernement n'a pas beaucoup de leviers pour nous aider en matière de marketing.