Longtemps boudé parce que son moteur économique reposait sur le commerce de la «guenille», comme certains se plaisaient à l'affirmer péjorativement, l'arrondissement d'Ahuntsic-Cartierville connaît un second souffle.

Les investissements immobiliers s'y multiplient et le quartier Chabanel, durement éprouvé par la délocalisation des emplois dans le secteur du vêtement entre 2004 et 2011, est en effervescence.

«Il y avait beaucoup de préjugés envers le quartier. On nous voyait comme une banlieue au nord de l'autoroute 40. Ce n'est plus le cas; les courtiers qui font visiter des locaux commerciaux à Montréal ont ajouté le secteur Chabanel à leur liste. Ils se rendent compte qu'on est l'un des secrets les mieux gardés. Le taux d'inoccupation diminue. Il était de 40% il n'y a pas si longtemps. Il se situe maintenant entre 20 et 25%. Et ça continue de baisser», s'enorgueillit Marc-André Perron, directeur général de la Corporation de développement économique communautaire (CDÉC) Ahuntsic-Cartierville.

Projets immobiliers

L'arrondissement de 23 km2, desservi par les autoroutes 13, 15 et 40 et bordant la rivière des Prairies sur une quinzaine de kilomètres, compte actuellement des projets immobiliers privés et publics générant des investissements de 500 millions.

Du lot, notons la reconversion d'un édifice de huit étages existant en 175 appartements en copropriétés, la construction (pour 65 millions) d'un complexe résidentiel pour personnes retraitées, de même que l'agrandissement des garages de la Société de transport de Montréal (STM).

D'autres projets, estimés aussi à 500 millions, sont actuellement à l'étude, indique le maire d'Ahuntsic-Cartierville, Pierre Gagnier. Parmi ceux-ci: des tours de résidence construites par l'Industrielle Alliance, de même que l'aménagement pour 200 millions d'un complexe de huit bâtiments à usage mixte (condos, logements sociaux, commerces) sur un terrain vacant du MTQ, près du boulevard Henri-Bourassa.

Le maire Gagnier semble gagner son pari: faire de l'arrondissement un endroit où il fait bon vivre, travailler et se reposer (traduction libre de «live, work and play»).

«Nous avons tout ce qu'il faut: des espaces verts, des quartiers résidentiels, des commerces et des entreprises», dit-il.

Commerces et industries

Certains l'oublient, mais le secteur l'Acadie-Chabanel (qui comprend le Marché Central) compte 14 millions de pieds carrés d'espaces commerciaux, soit l'équivalent d'un peu plus de cinq fois le complexe de la Place Ville-Marie.

«Il y a encore de l'espace disponible. D'ailleurs, je me plais à dire que tout est possible ici: louer des bureaux, louer des espaces industriels ou bien carrément construire des serres maraîchères sur les toits, comme l'a fait Les Fermes Lufa», dit Marc-André Perron, du CDÉC.

Mis à part le secteur Chabanel, où près de 10 000 emplois manufacturiers ont été perdus de 2000 à 2011, Ahuntsic-Cartierville n'a jamais été un très grand centre industriel.

La rue Chabanel tire encore honorablement son épingle du jeu avec des PME qui rayonnent à l'international, notamment Rudsak, Mackage, Soia&Kyo et autres Matt&Nat.

Les emplois y sont plus spécialisés qu'auparavant. Les locaux vacants sont dorénavant occupés par des professionnels attirés par le nouveau buzz autour du quartier.

Il y a aussi le Marché Central, principale porte d'entrée de tous les fruits et légumes consommés au Québec, qui a connu une croissance spectaculaire au cours des 15 dernières années. Autrefois sous-utilisé, il est aujourd'hui un vaste complexe de commerces de détail où des centaines de millions de dollars ont été investis, malgré la controverse entourant la fraude massive dont les soeurs du Bon-Pasteur (propriétaires des terrains) ont été victimes au début des années 90.

Population

Autrement, Ahuntsic-Cartierville, l'un des berceaux du peuplement de Montréal grâce à l'arrivée des Sulpiciens au 17e siècle, a toujours été un secteur densément peuplé comptant plusieurs commerces et institutions publiques.

Encore aujourd'hui, les 10 plus importants employeurs sur le territoire sont issus du secteur public, dont l'hôpital Sacré-Coeur, lequel compte 4000 employés, de même le centre d'entretien de la Société de transport de Montréal, où près de 2000 personnes réparent les autobus et les wagons du métro. Sinon, la prison de Bordeaux, la prison Tanguay pour femmes, les cégeps Bois-de-Boulogne, André-Grasset et Ahuntsic sont d'autres importants employeurs.

Toutefois, l'arrondissement, l'un des plus densément peuplés sur l'île de Montréal avec ses 129 000 résidants, doit composer avec un défi de taille: intégrer et offrir une belle qualité de vie aux nombreux immigrants qui viennent grossir sa population annuellement.

Plus de 50% des quelque 50 000 habitants de Cartierville sont issus de l'immigration.

«Une partie de notre population est très bien nantie alors que l'autre vit dans la pauvreté. Cela vient fausser les données quand vient le temps de calculer le revenu médian. Notre défi est de créer une cohésion sociale», dit le directeur général de la CDÉC Ahuntsic-Cartierville.