Les jeux vidéo et les algorithmes. Grâce à ces deux éléments qui caractérisent si bien Montréal, Louise Guay veut révolutionner le transport dans les grandes villes de la planète. Il ne s'agit pas de voeux pieux, mais de projets concrets qui seront mis à l'essai dès cet été et dont la commercialisation pourrait débuter dès 2013, soutient la présidente de Living Lab Montréal.

Grande, élégante, la chevelure flamboyante, Louise Guay nous reçoit dans les bureaux du CIRANO (Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations), où elle est entrepreneure en résidence. Après avoir mis de côté son téléphone intelligent sur lequel elle venait de prendre ses messages, elle nous explique sa démarche, armée de son portable et de sa tablette numérique.

Selon elle, le transport et les communications sont deux éléments cruciaux dans le développement des villes. Or, il se trouve que le transport pose problème, notamment à cause du trop grand nombre d'automobiles et donc, de la congestion. L'approche proposée par Louise Guay et son équipe est simple: récompenser, à l'aide de points échangeables, quiconque fait un geste qui permet de décongestionner les artères de la ville.

Bref, Louise Guay veut utiliser le côté ludique de la techno pour régler des choses sérieuses, comme les problèmes de transport. «On a appris à être capitaliste en jouant au Monopoly. Pourquoi on ne se servirait pas de la technologie pour mettre de l'avant un jeu de transport collaboratif urbain?», demande-t-elle.

Et quel meilleur endroit que Montréal pour jeter les bases d'une telle révolution. «Montréal est le Hollywood des jeux vidéo. L'École polytechnique de Montréal et le CIRRELT, entre autres, ont développé des algorithmes en tarification dynamique et en optimisation dans les transports. Nous avons tout ce qu'il faut pour que ça réussisse», dit-elle.

Les deux applications pour téléphones intelligents que Living Lab Montréal développe actuellement avec ses divers partenaires seront tout d'abord en lien avec les services de location en libre-service Bixi (vélos) et Communauto (automobiles). Mais Louise Guay ne veut pas vendre la mèche et préfère ne pas trop donner de détails pour l'heure.

Programme de récompenses

Toutefois, elle accepte volontiers de nous entretenir sur les programmes de récompenses associés à ces applications. «Les points accumulés ne serviront pas uniquement à acheter des biens; ils pourront également servir à différentes fins. On pourra les remettre à une oeuvre caritative ou les échanger à son employeur contre du temps», illustre Louise Guay.

Cette approche est dans l'air du temps, ajoute du même souffle celle qui ne jure plus que par «l'innovation ouverte», «la cocréation» et «la ludification». «J'aime à reprendre, dit-elle, cette citation de Nicholas Negroponte voulant que nous soyons en train de passer de la compétition à la collaboration, mais aussi d'une économie du travail à une économie de la créativité.»

Innovatrice

Louise Guay est une innovatrice dans l'âme. En 1986, bien avant l'avènement de l'internet et de la révolution technologique que nous vivons actuellement, elle a créé l'un des premiers musées virtuels au monde dans le cadre de ses travaux de doctorat. Elle avait notamment copié sur vidéodisque (de la grosseur d'un 33 tours en vinyle) quelque 4000 oeuvres françaises et québécoises.

En 2000, celle qui se définit comme une «artiste et une entrepreneure sociale», marquait un grand coup en créant Mon mannequin virtuel. Permettant de recréer une représentation virtuelle de son corps, ce système a donné naissance à une entreprise de 300 personnes. La PME avait fermé ses portes, mais elle a récemment repris du service. Louise Guay y agit maintenant à titre de conseillère. Mon mannequin virtuel était tellement en avant de son temps, qu'Adidas en utilise encore certaines applications sur son site web, souligne Mme Guay.

Être en avance sur son temps. Voilà qui caractérise bien Louise Guay. Née à Montréal dans un milieu très modeste, elle s'est toujours démarquée. Au point de «sauter» quelques années durant son cheminement scolaire. Elle n'aime toutefois pas qu'on la qualifie de «surdouée».

Pourtant, dès l'école primaire, elle souhaitait qu'on la paie pour aider ses professeurs à rendre leurs cours encore plus interactifs. «Dès que je voyais un projecteur, une caméra ou peu importe, je me disais que ça pouvait servir à rendre les cours plus intéressants», dit Louise Guay.

Voilà qui promet pour la suite des choses, maintenant que la présidente de Living Lab Montréal a à sa disposition tous les outils technologiques dernier cri dans un endroit comme le Québec où, affirme-t-elle, «il est possible de créer des mondes».