Elles ont été attaquées de toutes parts, notamment par le magazine Protégez-Vous et par l'émission de télévision La Facture. Pourtant, les hypothèques inversées ne cessent de faire de nouveaux adeptes au Québec et au Canada. Sont-elles aussi inéquitables que certains le disent?

Au cours des cinq dernières années, les montants versés au Canada par le programme de revenu résidentiel CHIP de la banque Home Equity sont passés de 89 à 239 millions. Giovanni (nom fictif, pour des raisons de confidentialité), restaurateur montréalais, fait partie de ceux qui ont choisi cette option. Accablé de dettes et désireux de rénover un appartement en copropriété acquis en 2008, l'homme de 72 ans s'est tourné vers CHIP pour obtenir des liquidités.

«Je ne voulais pas puiser dans mes REER, parce que je ne voulais pas payer d'impôts, ni me verser un plus gros salaire par le biais de mon restaurant. Je ne voulais pas non plus réhypothéquer mon condo et encore moins obtenir une marge de crédit hypothécaire. L'hypothèque inversée est ce qui semble pour moi la meilleure chose», dit cet Italien d'origine établi au Canada depuis le début des années 60.

L'homme d'affaires sait pertinemment que ce choix lui coûte plus cher en intérêts qu'une hypothèque régulière. Il a reçu 150 000$ à un taux d'intérêt de 5%. «Je voulais me donner du lousse et ne payer que les intérêts pendant trois ans. Avec les rénos, mon condo a pris beaucoup de valeur. Je vois donc cela comme un investissement. Dans trois ans, je recommencerai à payer le capital», dit-il.

Selon Éric Bisaillon, directeur général et vice-président régional Québec de CHIP (acronyme anglais de Canadien Home Income Plan), l'hypothèque inversée est une solution pour transformer l'équité de sa maison en liquidités non imposables. Il s'agit d'une solution à long terme, et non le contraire, s'adressant à une clientèle de 55 ans et plus. «Nos clients, âgés en moyenne de 70 ans, sont avec nous en moyenne 10 ans. Ils nous remboursent généralement au moment où ils vendent leur maison», dit-il.

À ceux qui dénoncent le programme CHIP comme étant un piège, M. Bisaillon tient à mettre les choses en perspective. «Certaines gens entretiennent des mythes comme celui voulant que la maison puisse être saisie quand il y a non-paiement. C'est impossible, car même si nous pouvons verser des liquidités représentant jusqu'à 50% de la valeur de la maison, nous nous en tenons en général à 35%. En plus, la succession est protégée. C'est-à-dire que les héritiers ne se retrouveront jamais avec une dette. À la fin de notre contrat, il reste une équité sur la maison dans 99,9% des cas», explique Éric Bisaillon.

Marge de crédit

Les frais administratifs sont l'une des choses les plus souvent reprochées au programme CHIP. Ceux-ci oscillent entre 2000$ et 2500$. Aussi, il y a des pénalités à payer pour ceux qui veulent rembourser leur capital avant trois ans. «Ce n'est pas pour tout le monde. Il faut comprendre que ce n'est pas la loterie. Notre produit s'adresse à des gens qui ne veulent pas vendre leur maison et qui veulent profiter de la vie», dit Éric Bisaillon.

Pierre Côté, courtier hypothécaire agréé chez Hypotheca, croit qu'une marge de crédit hypothécaire est plus avantageuse que le programme CHIP. «C'est plus flexible, à mon avis. En partant, les intérêts sont moins élevés avec une marge de crédit. Et les gens ont le choix de rembourser le capital et les intérêts, les intérêts seulement ou rien du tout, c'est-à-dire qu'ils financent les intérêts à même leur marge», dit-il.

Petit conseil de M. Côté: «Faites votre demande de marge de crédit hypothécaire avant de prendre votre retraite. Étant donné que votre salaire sera plus élevé, ça vous permettra d'obtenir une plus grosse marge», affirme le courtier hypothécaire.