L'ingénieur s'immisce de plus en plus dans nos vies. Il conçoit des décors magiques, invente la microtechnologie pour nous soigner, et aujourd'hui se baptise «ingénieur écologue» pour nous bâtir un environnement durable. Car «notre profession sait répondre à l'évolution des besoins de la société», explique Maud Cohen, présidente de l'Ordre des ingénieurs du Québec.

Q Avez-vous remarqué un développement de spécialisations inusitées chez les ingénieurs depuis quelques années?

R Le Canada compte 42 disciplines de génie et 60 000 ingénieurs. Cela signifie 60 000 carrières différentes, car tous les parcours sont différents. Mais il est vrai que des ingénieurs exercent dans des secteurs où on s'attend moins à les voir, comme les ingénieurs industriels dans le domaine hospitalier, les arts scéniques ou le biomédical.

Q Quel est l'apport de l'ingénierie dans ces deux domaines, justement?

R S'il reste moins traditionnel, le génie des arts scéniques a toujours existé, mais il se développe davantage, car les spectacles ont évolué; ils sont devenus complexes d'un point de vue technique, intègrent du multimédia, des structures de scène ou des décors élaborés, bien différents de ceux que l'on concevait auparavant. Les ingénieurs ne se contentent plus de créer les salles.

Quant au génie biomédical ou au génie clinique, il prend davantage d'ampleur. Le domaine de la prothèse se développe beaucoup grâce à la collaboration d'ingénieurs et de médecins.

Q Le métier d'ingénieur se développe-t-il vers des applications plus proches, plus visibles des citoyens?

R Les besoins de notre société évoluent, et notre profession est en lien avec cette évolution et connaît les nouvelles technologies. Nos connaissances techniques et scientifiques, notre capacité à résoudre des problèmes, nous placent au premier rang de l'innovation. La discipline évolue vers des domaines que nous n'avions pas forcément envisagés, car les ingénieurs perçoivent les enjeux et développent des solutions, qu'ils font évoluer au fil des besoins de la société. Il y a 15 ou 20 ans, on ne parlait pas de nanotechnologie, alors qu'aujourd'hui, on l'intègre dans de nombreuses applications, notamment médicales.

Q Remarquez-vous un intérêt accru des jeunes générations pour l'environnement, pour celui que l'on nomme l' «ingénieur écologue» ?

R Il est certain que les besoins de la société en matière de développement durable et d'environnement augmentent et développent l'ingénierie. Quand on évoque le traitement des eaux, la réduction des émissions de gaz, des procédés plus efficients et moins énergivores, l'ingénieur est capable d'apporter des solutions. Il y a une branche importante du génie qui s'est développée en environnement, et dans plusieurs disciplines: génie civil, génie chimique, génie mécanique ou génie électrique; ils travaillent ensemble pour optimiser nos ressources et améliorer la qualité de l'air, la qualité de l'eau, la qualité de vie du citoyen en général.

Q Quel est le rôle des établissements d'enseignement dans ces nouveaux domaines?

R Ils sont à la pointe! Ce sont eux qui créent de nouveaux domaines, qui développent de nouveaux programmes pour s'adapter au besoin du marché. C'est l'Université Laval qui a développé le programme de génie des eaux il y a quelques années, et les premiers finissants en génie biomédical de Polytechnique Montréal vont arriver sous peu sur le marché. Grâce à leurs activités de recherche fondamentale et de recherche appliquée, les universités sont capables d'identifier les besoins futurs de la population.