Que ce soit pour la construction d'une nouvelle route, d'un hôpital ou d'une station de métro, les grands travaux semblent toujours coûter plus cher que prévu au Québec. Pourquoi? Les firmes de génie-conseil l'expliquent.

Octobre 1998. Le gouvernement du Québec annonce la construction d'un nouveau métro à Laval au coût de 179 millions. Près de 10 ans plus tard, au moment de l'inauguration, la facture s'élève à plus de 800 millions. «Tout le monde savait que le chiffre initial n'avait pas d'allure», se souvient la présidente-directrice générale de l'Association des ingénieurs-conseils du Québec, Johanne Desrochers. Pourquoi, alors, l'avoir rendu public? Le gouvernement a-t-il été trop vite sur la détente?

Patience et le syndrome du «tant qu'à faire»

«Idéalement, il faudrait attendre que les plans et devis préliminaires soient terminés avant d'annoncer les coûts d'un projet, dit Mme Desrochers. De cette façon, la marge d'erreur est moins grande. Mais les politiciens étant ce qu'ils sont, ils aiment faire des annonces rapidement.» Cela, même s'il est très difficile d'estimer, même grossièrement, combien coûtera une nouvelle construction avant cette étape cruciale, prévient la PDG.

D'où plusieurs manchettes annonçant les unes après les autres des dépassements de coûts majeurs dans tel ou tel projet. Il n'y a qu'à penser à la salle de l'OSM ou le nouveau CHUM.

«Bien des choses peuvent changer entre le moment où on décide de lancer un projet et celui on en commence la construction, note Johanne Desrochers. C'est un peu comme quand on décide de changer ses armoires de cuisine en feuilletant un magazine et qu'on finit par refaire toute la cuisine. Ça revient plus cher qu'on aurait pensé initialement.»

Le vice-président Transport pour l'ouest de la province de la firme Dessau, Martin Thibault, en remet. «C'est quasi impossible qu'un projet ne change pas du tout en cours de route, dit-il. Il y a trop de facteurs qui entrent en ligne de compte.»

Parmi ceux-ci, notons de fréquents changements dans les demandes des clients. «Il se peut qu'il veuille utiliser des matériaux différents de ce qui avait été prévu ou qu'il décide que tant qu'à être dans les travaux, aussi bien en faire plus», illustre Mme Desrochers.

De nouveaux besoins

«Il arrive aussi que les besoins changent en cours de réalisation», note M Thibault. Il donne l'exemple, fictif, de la construction d'une nouvelle route. «Les données démographiques peuvent varier entre le moment où l'État en fait l'annonce et le début des travaux, ce qui représente souvent plusieurs années. On pourrait donc être obligé d'ajouter une voie qui n'était pas dans les plans initiaux», dit-il.

La même chose peut arriver pour un hôpital, dit sa collègue, bien ancrée dans l'actualité québécoise. «Au moment de l'annonce, on estime avoir besoin de 200 lits, mais une fois les études terminées, on se rend compte qu'il en faudrait plutôt 350.»

C'est sans compter les prix de l'essence ou des matériaux, qui varient sans cesse et sont imprévisibles. Tout comme les salaires des employés, qui suivent l'offre et la demande. Puis, il y a les délais, qui, pour toutes sortes de raison, retardent les travaux. Bien évidemment, ça aussi, ça coûte plus cher.

Pour toutes ces raisons, Johanne Desrochers met en garde contre les annonces prématurées, dont la marge d'erreur peur atteindre les 100% lorsqu'elles sont rendues publiques avant que les études de faisabilité ne soient terminées. «Même lorsque les plans finaux sont achevés, il reste une marge de 5% dans les estimations de coûts, dit-elle. Il faudrait donc que les politiciens apprennent à ne pas donner de chiffres trop tôt.»