Seul le temps sanctionne les grandes innovations. Mais toutes ont d'abord été de simples projets. Quel avenir nous préparent nos entreprises? Une série en six parutions. À surveiller la semaine prochaine: la santé.

Plusieurs technologies propres sont développées au Québec. Comme le dit si bien Denis Leclerc, président et chef de la direction d'Écotech, la grappe des technologies propres du Québec, «c'est un secret encore trop bien gardé».

Karel Mayrand, directeur général pour le Québec de la Fondation David Suzuki et cofondateur d'Unisféra, centre de recherche sur le développement durable, est du même avis.

«Nous ne célébrons pas suffisamment les technologies propres créées au Québec. Pourtant, elles peuvent avoir un grand impact si elles sont déployées à grande échelle», affirme-t-il.

Le volet environnemental prend de plus en plus de place dans le modèle d'affaires de plusieurs entreprises. Tellement, qu'aujourd'hui, lorsqu'on parle de développement durable, on pense souvent uniquement à l'aspect environnemental. Pourtant, le concept comprend trois volets: économique, environnemental et social.

«On laisse actuellement de côté le volet social. Ainsi, maintenant, on parle plus d'économie verte que de développement durable», remarque Corinne Gendron, titulaire de la chaire de responsabilité sociale et de développement durable de l'ESG-UQAM.

Écotech évalue qu'environ 400 entreprises développent des technologies propres au Québec.

Toutefois, la province légifère peu pour forcer les entreprises à devenir plus propres.

«Si on commence à taxer les émissions de gaz à effet de serre, par exemple, je crois qu'on verra apparaître énormément de produits innovateurs destinés à les réduire», affirme M. Mayrand.

Le principe est le même avec l'écoconception, un concept très prometteur d'après Corinne Gendron.

«Quatre-vingts pourcent de l'impact d'un produit est déterminé au moment de sa conception. Il faut réfléchir pendant la conception à l'impact du produit pour faire ses choix. En Europe et même en Chine, on a légiféré pour imposer le concept. Ici, pas encore», précise-t-elle.

Karel Mayrand croit pour sa part qu'on approche d'une grande révolution en matière de développement durable.

«Ce sera comme on l'a vu avec l'internet il y a 15 ans, précise-t-il. Et le Québec devrait en faire plus pour aller chercher sa juste part dans la nouvelle économie.»

1962: Le livre Silent Spring s'attaque à la pollution

1968: Création du Club de Rome

1972: 1er sommet de la Terre (Stockholm)

1979: Création du ministère de l'Environnement du Québec.

1987: Le rapport Brundtland définit le développement durable

1991: Comité interministériel du développement durable par Québec

1997: Protocole de Kyoto: pour réduire les GES

2002: Le Canada ratifie Kyoto à Johannesburg

2006: Gouvernement Harper: les cibles de Kyoto sont irréalistes

2007: Le secteur résidentiel du Québec récupère plus qu'il élimine

2008: Signataires de Kyoto: jusqu'en 2012 pour atteindre leur cible

2010: Norme ISO 26 000 sur la responsabilité sociétale

2011: Canada: Kyoto «appartient au passé»

2012: Sommet de la Terre à Rio de Janeiro

Les déchets comme matière première

Depuis les deux dernières décennies, la grande révolution en matière de développement durable concerne les déchets.

C'est l'un des premiers éléments sur lesquels les entreprises se sont penchées. Le recyclage s'est généralisé dans tous les types d'établissements.

«Rares sont les bureaux qui n'ont pas de bac de recyclage. Aujourd'hui, c'est le minimum. Il faut même aller plus loin et réduire ses déchets», affirme Corinne Gendron, titulaire de la chaire de responsabilité sociale et de développement durable de l'ESG-UQAM.

En recyclant les produits pour en faire des nouveaux, les déchets d'hier sont devenus une matière première.

Au fil des ans, plusieurs entreprises ont poussé le concept plus loin.

Par exemple, en 1996, Biothermica a mis en place une centrale au biogaz, Gazmont, près du Complexe environnemental de Saint-Michel. La centrale approvisionne notamment en énergie la TOHU.

PyroGenesis transforme des déchets en énergie ou en matériaux de construction grâce au plasma. Après avoir converti l'armée américaine de sa technologie compacte, l'entreprise québécoise vise maintenant un plus grand marché.

Enerkem, dont le siège social est à Montréal, produit pour sa part des biocarburants et des produits chimiques à partir de déchets. L'entreprise montréalaise a vu son nom figurer au palmarès des 50 entreprises les plus innovatrices de la planète du magazine américain Fast Company cette année.

Photo fournie par Pyrogenesis

Nouveaux produits recyclables

Créer une boite recyclable hydrofuge destinée à l'emballage de produits réfrigérés: voilà le défi que s'était donné Cascades il y a quelques années. L'entreprise l'a relevé en 2008 en lançant sa technologie NorShield.

«Auparavant, les boîtes étaient cirées et non recyclables», affirme Roger Gaudreault, directeur, développement scientifique et innovation, chez Cascades.

La technologie NorShield fonctionne pour plusieurs types d'aliments. Pour que ce soit un succès commercial, les boîtes devaient être vendues à des prix compétitifs.

«L'amélioration de notre technologie nous a permis d'y arriver, précise M. Gaudreault. Puis, les épiceries doivent payer à la tonne pour envoyer leurs boîtes de carton cirées dans les sites d'enfouissement. Avec nos boîtes, les épiceries éliminent ces frais et mieux encore, nous leur achetons leurs boîtes avec lesquelles nous fabriquons du papier recyclé.»

Cascades développe maintenant différents types de produits à partir de sa technologie NorShield. Par exemple, l'entreprise a lancé cette année des cônes à rosiers.

Photo fournie par Cascades

Économiser de l'énergie en toute simplicité

Commander à distance le chauffage, la climatisation, l'éclairage et la ventilation d'un immeuble commercial est maintenant simple grâce à SCL Éléments et sa marque Can2Go.

«Nos contrôleurs permettent une intégration des technologies sans fil avec les systèmes traditionnels filés», explique David Lamarche, de SCL Éléments.

Comme la technologie est sans fil, nul besoin d'ouvrir les murs pour l'installation. «C'est donc plus rapide, plus abordable et moins dérangeant pour les occupants de l'immeuble», explique M. Lamarche.

Le système de contrôle permet d'économiser entre 15 et 30% d'énergie, d'après les calculs de SCL Éléments.

L'entreprise montréalaise créée il y a à peine trois ans a commencé à commercialiser ses produits l'an dernier.

«Nous vendons déjà au Québec, dans les Maritimes, aux États-Unis, en Australie, au Japon, en Chine, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, précise M. Lamarche. Pour la prochaine année, nous mettrons plus l'accent sur l'Europe.»

À la fin janvier, l'entreprise lancera une gamme de produits périphériques.

Photo fournie par Élements

Traiter plutôt qu'enfouir les sols contaminés

Lorsqu'on est face à un sol contaminé, la solution traditionnelle est l'excavation et l'enfouissement.

«Lorsqu'on enfouit, on déplace le problème», affirme Marie Josée Lamothe, une géologue qui a fondé Northex en 1997.

Son entreprise propose notamment un traitement in situ des sols.

«Nous injectons des produits oxydants dans le sol, comme du peroxyde. Nous faisons ensuite le monitorage pendant 90 jours pour suivre la dégradation des contaminants», explique Mme Lamothe.

Cette méthode passive peut être utilisée autour d'un bâtiment et même, à l'intérieur, sans qu'on soit obligé de démolir. La technologie ne génère pas de gaz, donc nul besoin d'évacuer les occupants de l'immeuble.

«Notre technologie est également moins onéreuse que la méthode traditionnelle», précise Mme Lamothe.

Lorsque l'excavation est la seule solution, Northex transporte les sols dans son usine de traitement, à Contrecoeur.

«Nous traitons les sols et nous générons avec la plupart de l'agrégat, affirme Mme Lamothe. Avec certains matériaux que nous récoltons comme de la brique, du béton et de l'asphalte, nous souhaitons prochainement commencer à faire des panneaux agglomérés recyclés.»

Photo fournie par Northex

Vers un internet plus vert

Les serveurs internet hébergent des quantités phénoménales de données et consomment énormément d'énergie.

«L'industrie des technologies de l'information et des télécommunications (TIC) pollue autant que l'industrie aéronautique. Cela correspond à 2% de toutes les émissions de gaz à effet de serre et l'augmentation atteint 6% par année. Le projet Greenstar peut verdir les TIC», affirme Mohamed Cheriet, directeur du projet et professeur à l'École de technologies supérieures (ETS).

L'idée, c'est de mettre à profit l'énergie propre canadienne pour alimenter les serveurs.

«Comme les énergies solaire et éolienne sont intermittentes, il faut avoir plusieurs centres reliés en réseau qui se relaient en captant l'énergie disponible», explique M. Cheriet.

Le noeud, alimenté à l'hydroélectricité, est à l'ETS. Des centres de données ont ensuite été installés un peu partout à travers le Canada où il y a des sources d'énergie propre.

Le projet a été rendu possible par le financement de CANARIE (le réseau évolué de recherche et d'innovation du Canada). Greenstar a aussi des partenaires internationaux.

«Notre banc d'essai est utilisé par des chercheurs à l'international. Le projet devrait mener à une commercialisation d'ici quelques années.»

Photo fournie par Greenstar