Que faire avec son gigantesque surplus commercial ou les revenus colossaux de sa production pétrolière?

On crée un fonds d'investissement qui a du punch: un fonds souverain.

C'est ce qu'a fait le Koweït dès 1953, suivi au milieu des années 70 par d'autres pays exportateurs de pétrole. L'Alberta a d'ailleurs fondé un des tout premiers, en 1976, avec son Alberta Heritage Trust Fund.

Ces fonds de plus en plus riches et nombreux permettent à ces États des transactions hors de portée des investisseurs privés.

Leur impact et l'opacité de leurs intentions, au cours des années 2000, avaient suscité des inquiétudes qui ont conduit en 2008 aux 24 principes - non contraignants - de pratiques, dits principes de Santiago.

Vincent Delisle, stratège chez Scotia Capitaux, avait réalisé à l'époque une importante étude sur ce phénomène. «C'était très d'actualité, parce que les fonds souverains commençaient à se faire voir sur les marchés américains et européens et ça a fait vibrer la fibre nationale de plusieurs pays, évoque-t-il. Des transactions importantes ont été refusées parce que c'était des firmes chinoises qui voulaient acheter.»

La crise de 2008-2009 a forcé un changement de perspective. «Les fonds souverains sont ceux qui ont le plus de liquidités dans le marché et ils sont davantage bienvenus actuellement, indique M. Delisle. Mais tout dépend encore du secteur.»

Où en sommes-nous à l'heure actuelle?

Nous avons sondé un observateur financier, Bruno Roy, associé qui dirige le bureau de McKinsey&Compagnie, à Pékin, en Chine.

Q Les préoccupations à l'égard de la transparence des fonds souverains sont-elles justifiées?

R Je ne crois pas que ces préoccupations soient fondées, mais je les comprends. Les fonds souverains, pour la plupart, sont discrets. Il y a de bonnes raisons pour cela: compte tenu de leur taille, leurs décisions peuvent avoir un impact majeur sur le cours des actions d'une entreprise, ou encore sur les coûts d'emprunt d'un pays.

Cela dit, ces fonds ont réalisé qu'ils devaient tenir compte des préoccupations - fondées ou non - des acteurs réglementaires et politiques des pays où ils investissent. Ainsi, pour la plupart, ils publient maintenant des rapports annuels, où ils présentent leur allocation d'actifs, leurs rendements et leurs principales positions. Ils ont créé des sites Web, leurs employés participent de plus en plus aux conférences professionnelles et ils sont généralement heureux de recevoir les délégations des acteurs financiers québécois et canadiens qui passent par Pékin, Singapour, Oslo ou Abou Dhabi.

Q Les investissements des fonds souverains chinois ou asiatiques sont-ils les bienvenus en Occident?

R Ils le sont dans la plupart des pays, particulièrement maintenant, alors que tant de régions, particulièrement en Europe, sont à la recherche de capitaux pour renflouer leurs banques, acheter leurs obligations et financer leurs projets d'infrastructures. Le Canada, d'ailleurs, est perçu comme un pays accueillant pour ces fonds.

Q Les fonds souverains asiatiques investissent-ils au Québec, au Canada?

R Oui, généralement par l'entremise de fonds d'actions, d'obligations, de placements privés et immobiliers qu'ils ont confiés à des gestionnaires externes, ou encore par l'entremise de fonds indiciels. Certains ont effectué des investissements directs. Le China Investment Corporation, par exemple, est un investisseur minoritaire important au sein de Teck Inc., la société minière établie à Vancouver.