S'il se concrétise dans son ensemble, le Plan Nord sera le plus gros chantier que le Québec ait connu depuis des décennies. La province a certes l'expertise voulue en matière de génie-conseil. Mais y aura-t-il suffisamment d'ingénieurs et autres techniciens pour répondre à la demande?

«La sollicitation est déjà très forte, le taux de chômage n'est que de 2% actuellement dans la profession. C'est donc le plein emploi. Et il manque déjà d'ingénieurs, notamment en génie civil. Mais le Plan Nord doit en principe s'échelonner sur 25 ans», explique Maud Cohen, présidente de l'Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ).

Celle qui dirige l'Ordre professionnel des quelque 60 000 ingénieurs québécois ne s'inquiète donc pas outre mesure des besoins à combler. «Vingt-cinq ans, ça nous laisse amplement le temps de former de nouvelles cohortes d'ingénieurs. D'ailleurs, nos écoles sont remplies. Évidemment, si les choses bougent rapidement, nous aurons un grave problème de pénurie», prévient Mme Cohen.

En plus de «travailler très fort» afin de promouvoir la profession d'ingénieur auprès des jeunes, les garçons en particulier, champions du décrochage, l'OIQ continue d'essayer de trouver le moyen d'accélérer les processus visant à faciliter l'intégration des nouveaux arrivants possédant un diplôme en génie.

«Et nous travaillons avec le ministère des Relations internationales afin de développer des outils qui permettront aux ingénieurs étrangers de savoir ce dont ils ont besoin pour pouvoir exercer leur profession au Québec. Ils seront mieux préparés avant de quitter leur pays d'origine», affirme Maud Cohen.

Yves Lavoie, président et porte-parole du Réseau des ingénieurs du Québec (le RéseauIQ), refuse lui aussi de tirer la sonnette d'alarme. «Il n'y aura pas d'embolie à court terme. Le Plan Nord va se déployer sur plusieurs années. Les cohortes de diplômés vont se mettre en place et les baby-boomers pourront les accompagner. Nous avons développé une formation qui aidera les ingénieurs seniors à avoir les outils pour guider les plus jeunes», dit-il.

Une éventuelle pénurie d'ingénieurs en marge du Plan Nord interpelle toutefois Johanne Desrochers, PDG et porte-parole de l'Association des ingénieurs-conseils du Québec (AICQ). «La rareté de la main-d'oeuvre dans le génie est un phénomène mondial. C'est une donc une préoccupation. Mais il y a un autre défi: il faut intéresser les ingénieurs à aller travailler en région éloignée. La solution passe par la mise en place d'infrastructures, comme des écoles, des arénas, etc.», dit-elle.

Pénurie en vue ou pas, certains bureaux de génie-conseil québécois profitent déjà de la manne associée au Plan Nord. C'est le cas de Roche et de Cegertec. Ces deux entreprises récoltent en quelque sorte ce qu'elles ont semé ces dernières années.

«En 2008, en pleine récession, nous avons fait le choix d'ouvrir un bureau à Sept-Îles. Nous avons soutenu nos équipes en place, car on voyait ça venir, le développement du Nord», explique Stéphane Leduc, vice-président et directeur général de Cegertec.

La PME de 515 employés travaille déjà en collaboration avec Arcelor Mital qui prévoit investir quelque 2 milliards dans sa mine au mont Wright, de même qu'à son usine de bouletage à Port-Cartier. Une équipe d'une dizaine d'ingénieurs de Cegertec travaille actuellement à plein temps auprès d'Arcelor Mital.

Cegertec a connu une croissance de 30% ces dernières années. Elle a embauché 170 personnes l'an dernier. Ses revenus sont ainsi passés de 34 à 45 millions. Toujours en lien avec le Plan Nord, l'entreprise est notamment associée à quelques projets miniers - dont elle préfère taire les noms -, de même qu'au développement de minicentrales hydroélectriques non reliées, l'une de ses spécialités.

Présence sur la Côte-Nord

De son côté, Roche se félicite de compter quelque 400 employés sur la Côte-Nord et au Saguenay. «Ce n'est pas d'hier qu'on est là. Les années difficiles où il ne se passait pas grand-chose, on préparait le terrain. La bonne nouvelle, c'est qu'on est prêts à accompagner toutes sortes de clientèles. Évidemment, plus le Plan Nord va prendre de l'ampleur, plus le défi sera d'attirer du monde là-bas», explique Mario Martel, président et chef de la direction, dont l'entreprise sera un des maîtres d'oeuvre dans le prolongement de la route 167.

Ce projet de 331 millions permettra à la route qui traverse Chibougamau d'aller rejoindre les monts Otish, où l'entreprise canadienne Stornoway Diamond Corp prévoit investir 500 millions afin d'exploiter la toute première mine de diamants du Québec.