Le RéseauIQ appelle les ingénieurs à leur devoir de témoigner

Le Réseau des ingénieurs du Québec (RéseauIQ) qualifie d'«excellente nouvelle» l'élargissement des pouvoirs de la commission Charbonneau. «Nous avons enfin les véritables pouvoirs pour aller au fond des choses», lance Yves Lavoie, président du RéseauIQ. L'organisation professionnelle regroupe 59 000 ingénieurs au Québec.

«Cela fait déjà trois ans que les ingénieurs tapent du poing sur la table pour dire: «donnons-nous la capacité de sortir les pommes pourries du boisseau et de protéger les gens qui vont venir divulguer des choses»», rappelle M. Lavoie. L'obligation de comparaître et la protection des témoignages étaient nécessaires à l'efficacité de l'enquête, selon le président du RéseauIQ.

À présent, les ingénieurs ont le devoir de témoigner devant la commission d'enquête, applaudit M. Lavoie. «Il y a des gens qui savent ce qui se passe et qui doivent nous aider à faire la lumière, dit-il. C'est le devoir d'aider notre société à progresser et de mettre derrière nous cette situation qui dégrade toute la profession.»

Le RéseauIQ était prêt à boycotter la commission Charbonneau si elle ne respectait pas la Loi sur les commissions d'enquête. Yves Lavoie affirmait qu'il ne se présenterait pas devant la commission d'enquête sur le secteur de la construction tant que les pouvoirs de la commissaire France Charbonneau n'étaient pas élargis. Le RéseauIQ disait également attendre ce signal avant d'inviter ses membres à témoigner devant la commission. «Il n'y avait aucune pertinence à encourager ce qui n'était pas la solution», soutient M. Lavoie.

Yves Lavoie n'accepte pas de voir l'image des ingénieurs se dégrader auprès de la population. 65% des Québécois maintiennent leur confiance dans les ingénieurs, selon le baromètre des professions 2011 de la firme Léger Marketing publié au mois de septembre. Mais en 2007, ils étaient 83%. «On a perdu un Québécois sur six. Je ne veux pas me retrouver à 8% dans cinq ans», lance le président du RéseauIQ.

L'OIQ offre toute sa collaboration

L'Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) se dit «extrêmement satisfait de savoir que la commission Charbonneau disposera de tous les pouvoirs qu'une commission doit avoir», affirme sa présidente Maud Cohen. L'organisme règlemente l'exercice des 60 000 ingénieurs québécois.

«Si on ne lui avait pas donné tous les pouvoirs dont elle a besoin pour remplir son mandat, il y aurait eu probablement des endroits où la commissaire aurait rencontré des obstacles. Des personnes n'auraient pas voulu témoigner», observe Mme Cohen.

Avant l'annonce du gouvernement de doter la commission Charbonneau des pouvoirs d'une commission d'enquête, l'OIQ se disait déjà satisfait du mandat et de la commissaire nommée, France Charbonneau.

Mais l'Ordre regrettait les pouvoirs limités de la commission d'enquête sur le secteur de la construction. «Nous étions inquiets de l'absence d'obligation de témoigner, précise Mme Cohen. Qui irait témoigner s'il n'est pas contraint à le faire, ou s'il n'a pas la garantie que son témoignage ne va pas se retourner contre lui?» demande-t-elle.

L'annonce du gouvernement change la donne. «Je suis convaincue qu'on va être en mesure d'avoir les résultats qu'on peut souhaiter, dit Maud Cohen. Cela permettra de faire la lumière sur une situation qui est inacceptable.»

Devant la commission Charbonneau, l'OIQ compte jouer le même rôle que devant la commission Johnson, qui avait enquêté sur l'effondrement du viaduc de la Concorde. «Huit de nos neuf recommandations avaient été reçues, se félicite la présidente de l'OIQ. Nous sommes prêts à donner toute notre collaboration à la commission.»

L'Ordre encouragera ses membres à se présenter devant la commission, précise-t-elle.

L'AICQ fera de la pédagogie

L'Association des ingénieurs-conseils du Québec (AICQ) accueille aussi favorablement la décision du gouvernement d'accorder davantage de pouvoirs à la commission d'enquête sur le secteur de la construction. «On a toujours considéré que c'était au gouvernement d'utiliser les bons outils au bon moment pour faire la lumière», affirme sa PDG, Johanne Desrochers.

L'organisme compte sur la commission Charbonneau pour «expliquer les choses», selon Mme Desrochers. L'AICQ représente une quarantaine de firmes d'ingénierie issues de différents secteurs d'activité.

Les allégations sur la collusion dans le secteur de la construction ont conduit à généraliser les problèmes, croit Mme Desrochers. «Une telle commission va créer de l'espace pour faire de la pédagogie et pour faire la part des choses, explique-t-elle. Le secteur a la chance de pouvoir expliquer et de corriger le tir sur les perceptions que certains pourraient avoir.»

La présidente de l'AICQ regrette ce qu'elle appelle du sensationnalisme. «On a trop généralisé. Ça fait du tort, c'est certain. [...] Les gens du milieu ne se reconnaissent pas dans ce qu'ils lisent», affirme-t-elle.

L'AICQ se présentera donc devant la commission Charbonneau, peut-être en soumettant un mémoire, indique Mme Desrochers. «Notre préoccupation est que la commissaire soit entourée de ressources techniques suffisantes pour comprendre quelles sont les meilleures pratiques en matière d'octroi de contrats», dit-elle.

La présidente de l'AICQ souhaite «corriger les perceptions» en montrant la réalité des pratiques. «Au Québec, dès qu'il y a un changement dans le budget d'un projet, on dit que c'est un extra, et qu'il doit y avoir une fraude. Mais la réalité d'un projet c'est d'avoir sans cesse à faire des changements», explique-t-elle.

Avant que la commission Charbonneau n'obtienne les pleins pouvoirs, l'AICQ applaudissait la volonté du premier ministre de la soustraire à la Loi sur les commissions d'enquête. «Nous sommes satisfaits du souci de vouloir protéger la preuve judiciaire», affirmait Mme Desrochers.