Quand on entend PME, on comprend petites entreprises. Mais dans PME, il y a aussi moyennes. Quelles sont-elles? Comment le deviennent-elles? Quels sont leurs défis? La Presse présente le sixième sujet d'une série de neuf parutions sur ces méconnues.

Jacques Guénette, président de DLGL, entreprise spécialisée dans les systèmes de gestion des ressources humaines, avait été invité à un colloque sur le recrutement. «On ne connaît rien en recrutement, a-t-il répondu. On ne perd pas d'employés.»

C'est peut-être sa plus grande fierté. Son entreprise compte 94 employés. «Ce qui est fantastique, c'est que ce sont les mêmes 94 depuis quatre ans, dit-il. Dans notre industrie, les taux de roulement sont de l'ordre de 15 à 20%.»

L'invitation à ce colloque résultait de la remarquable feuille de route de DLGL en matière de gestion de ses propres ressources humaines, un cas de cordonnier bien chaussé.

La moyenne entreprise de Blainville a été nommée meilleur lieu de travail au Canada en 2008, et a monopolisé le titre de meilleur employeur au Québec pendant neuf ans.

Cette préoccupation avait présidé à la création de l'entreprise en 1980. Les deux cofondateurs, Jacques Guénette et Claude Lalonde, maintenant décédé, avaient observé chez leur précédent employeur les effets de la production sous pression sans considération pour l'humain.

«Au nom de la création de valeur pour les actionnaires, on peut faire n'importe quoi aux clients ou aux employés, énonce Jacques Guénette. Ensuite, on crée de la valeur pour les clients, et s'il en reste, on crée de la valeur pour les employés. Nous avons inversé cette pyramide. Nous voulions d'abord créer de la valeur pour les employés.»

Des employés heureux, compétents et expérimentés parce qu'ils ne quittent pas l'entreprise créent d'excellents produits au bénéfice d'une clientèle tout aussi satisfaite et stable.

«Au bout du compte, on crée aussi de la valeur pour les actionnaires, résume-t-il. Mais c'est une conséquence, pas l'objectif initial.»

Pour les employés de DLGL, cette valeur s'encaisse en plaisir au travail et en qualité de vie. Les horaires sont souples, mais surtout raisonnables. «Personne ne travaille 70 heures par semaine, et ça ne serait pas toléré», assure Jacques Guénette.

Le siège social, édifice moderne et largement vitré, comporte un gymnase et une salle d'entraînement. Un entraîneur à temps plein guide le programme d'exercices d'une importante proportion d'employés. La philosophie est simple : des employés en forme prennent de meilleures décisions.

«Mais surtout, on a des plans d'affaires raisonnables, poursuit Jacques Guénette. Si on additionnait les plans d'affaires de nos gros concurrents, il n'y aurait pas assez d'habitants sur la planète pour les satisfaire. Il y a quelqu'un à la fin de l'année qui n'atteindra pas ses objectifs, et ce sont les employés qui vont payer la note.»

Pour que cette culture soit crédible, DLGL devait éviter certains écueils. Pas de bonis individuels susceptibles d'induire des ambitions néfastes.

«Nous avons un système de bonus auquel tout le monde participe, y compris le concierge», dit M. Guénette.

De même, DLGL refuse l'accès aux ego démesurés, aux performants excessifs, «qui ont besoin de travailler 80 heures par semaine et de marcher sur les pieds de tout le monde».

La priorité accordée à l'humain n'empêche pas DLGL de nourrir des ambitions à son rythme.

«On est à la conquête de la planète, comme tout le monde, lance le président, mais si ça prend 200 ans, ce ne sera pas grave.»