Quand on entend PME, on comprend petites entreprises. Mais dans PME, il y a aussi moyennes. Quelles sont-elles ? Comment le deviennent-elles ? Quels sont leurs défis ? La Presse présente une série de neuf parutions sur ces méconnues.

Une infime proportion de petites entreprises atteignent la taille moyenne la proportion est de 60 pour un au Québec. Pour y parvenir, les petites cylindrées doivent foncer sur l'autoroute de la croissance. Cette accélération est délicate à contrôler. Alors que l'entreprise progressait selon les occasions qui se présentaient à elle, il lui faut dorénavant viser la croissance en toute connaissance de cause. Elle doit prévoir les étapes de son trajet, établir un solide plan stratégique.

«C'est un passage très difficile pour les entrepreneurs parce qu'il leur faut apprendre à déléguer, «soutient Guy Barthell, associé au groupe-conseil stratégie et performance de Raymond Chabot Grant Thornton. L'homme-orchestre doit dorénavant s'entourer de spécialistes en finance, en ressources humaines et les laisser jouer leur partition.

Cet alourdissement de l'organisation pèse sur le coût de ses produits ou services. En réponse, il faudra «structurer les processus au niveau de la production, de la logistique, des approvisionnements «, poursuit Guy Barthell.

C'est le moment d'aller chercher un mentor.

Des avantages concurrentiels

Pour croître autrement que par opportunisme, c'est-à-dire de façon planifiée, il faut bâtir de véritables avantages concurrentiels, avise encore Guy Barthell. «Il est difficile de gagner au Québec avec le meilleur coût, dit-il. On gagne plus souvent avec la qualité, avec le service, avec la personnalisation.»

C'est précisément ce qu'a observé Pierre-André Julien, professeur émérite à l'Institut de recherche sur les PME de l'Université du Québec à Trois-Rivières, dans l'enquête qu'il a menée sur ce qu'il appelle les «gazelles», c'est-à-dire les entreprises à forte croissance. «On leur a demandé quel était l'élément clé qui leur permettait de percer et de continuer à croître et ils finissaient par nous dire que c'était parce qu'ils vendaient plus cher», relate-t-il. Ces gazelles vendent plus cher un meilleur produit, mieux adapté à son marché, qui se révèle finalement plus rentable à la fois pour le fabricant et le client.

La croissance des gazelles a toutefois ses périls, notamment celui de courir plus vite que leur fonds de roulement. «Elles sont toujours en train d'investir, indique Pierre-André Julien, et comme le retour sur l'investissement prend un certain temps, elles manquent de financement.»

Croître avec les ventes

Pour attaquer un nouveau marché qu'il soit géographique ou de produit , la moyenne entreprise pourra prendre un raccourci en faisant appel à des distributeurs ou des représentants déjà établis. Ils connaissent déjà ce marché spécifique et ne sont payés que s'ils concluent une vente.

Mais dès que les ventes prennent leur envol, il sera préférable de constituer son propre groupe. «Confier les ventes à un tiers parti qui est peu ou pas impliqué dans l'organisation m'apparaît comme un risque majeur, soutient Guy Barthell.

Si je fais affaire avec un distributeur à l'étranger et que je représente peut-être 10% de son chiffre d'affaires, il va vendre ce qui est facile. Si on veut lancer de nouveaux produits sur de nouveaux marchés, il faut presque contrôler à 100% notre propre force de vente, car ce sont des produits pour lesquels on doit faire intervenir plusieurs décideurs avant d'avoir des chances de vendre.»

En croissant, la petite entreprise qui devient moyenne vient donner un coup de pied dans les flancs du lion endormi. Le gros concurrent, indifférent à elle jusqu'à présent, va rugir, contre-attaquer, réduire ses prix. Bref, ça va brasser.

«C'est l'engagement qui fera alors la différence, tant de la part du leader que de celle de son équipe de direction, assure Guy Barthell. Ça demande une grande ténacité.»

RÉPARTITION DES EMPLOYÉS SELON LA TAILLE DE L'ENTREPRISE(Québec 2010)

Nombre d'employés (milliers) / Pourcentage de l'emploi total du secteur privé

Total: 3368,7 / 100,0%

Moins de 20 employés: 1 042,7 / 31,0%

20 à 99 employés: 1 095,6 / 32,5%

100 à 500 employés (moyennes entreprises): 702,9 / 20,9%

Plus de 500 employés: 527,5 / 15,7%

Source : Annuaire québécois des statistiques du travail, Institut de la statistique du Québec Note : les moyennes entreprises sont à l'origine de 21% des emplois dans le secteur privé.