L'activité dans le secteur des fusions et acquisitions d'entreprises va mieux au Canada, et de belle façon, après quelques années au point mort en raison de la crise du crédit. Ce n'est certes pas aussi soudain ni spectaculaire que la vague orange qui a déferlé sur le paysage politique au cours de la dernière campagne électorale fédérale, mais la mouvance est bien réelle.

Au cours des trois premiers mois de l'année, il y a eu 82 transactions au Canada, d'une valeur totale de 22,7 milliards US, selon la firme de recherche Mergermarket.

Il s'agit d'un bond en valeur de près du double par rapport à la même période l'an dernier. En fait, la reprise a débuté vers la fin de 2010, alors qu'au troisième trimestre, 117 transactions ont été annoncées pour une valeur totale de 24,5 milliardsUS.

«Ça bouge, on sent qu'il y a un réchauffement du secteur depuis quelques mois», dit l'avocat Charles Spector, associé au cabinet FMC, à Montréal.

Avocats débordés et heureux

Cette renaissance profite aux avocats spécialisés en fusions et acquisitions. En quasi-hibernation depuis trois ans, les voilà de nouveau débordés, pas encore au même niveau qu'en 2007, mais assez pour avoir retrouvé le sourire, en tout cas pour quelques-uns d'entre eux, comme le démontre le classement des cabinets de Mergermarket.

La firme a dressé un tableau des 20 premiers cabinets, classés selon la valeur des transactions canadiennes dans lesquelles leurs avocats ont été mis à contribution. Le podium pour ce premier trimestre? D'abord, Osler, puis, Blakes suivi de Cassels Brock&Blackwell.

Les autres cabinets pancanadiens à se hisser dans le top 20 sont: FMC (6e position), Miller Thomson (8e), Ogilvy Renault/Norton Rose (10e), McCarthy Tétrault (13e), Davies Ward (15e), Stikeman Elliott (19e).

Ce premier trimestre a été marqué par les grosses transactions. Target qui se paie les baux de Zellers pour 1,83 milliard; le London Stock Exchange Group qui avale la Bourse de Toronto pour 7 milliards; la chinoise PetroChina Company qui allonge 5,4 milliards pour Encana Corp; Valeant Pharmaceuticals qui achète Cephalon au coût de 7 milliards.

Sans compter Barrick Gold, qui a présenté fin avril une offre d'achat amicale sur la minière canado-australienne Equinox Minerals pour 7,3 milliards. Mais celle-là ne figure pas encore dans les statistiques!

Sans surprise, c'est dans le secteur des ressources et des mines que l'activité a été la plus forte. À lui seul, ce secteur a contribué à 74% de la valeur de toutes les transactions annoncées au cours du trimestre, avec un total de 16,8 milliardsUS; pour le nombre de transactions, le secteur des ressources a représenté un peu plus du tiers (35,4%) de toutes les transactions avec 29.

Entreprises québécoises

Si les gros deals et les ressources ont fait les manchettes, ça bouge aussi dans les transactions de taille intermédiaire, le mid-market, comme on dit dans le jargon du milieu, de même que dans certains secteurs plus traditionnels, notamment au Québec. Comme ces transactions sont généralement privées, elles n'apparaissent pas toujours dans les statistiques.

«Il y a un bon volume, l'année commence bien», dit André Dufour, associé et spécialiste en F&A chez BLG, à Montréal.

L'avocat note une reprise dans les secteurs industriel et manufacturier. Au cours des derniers mois, il a d'ailleurs travaillé sur quelques mandats de ce type.

Par exemple, il a représenté la Corporation UTC Canada relativement à la vente de certains actifs à Parker Hannifin Canada, de même qu'au Groupe Ouellet Canada.

Son collègue Charles Spector, de FMC, remarque lui aussi un intérêt pour les entreprises québécoises plus traditionnelles, même s'il est d'avis que le secteur des ressources aura encore la cote très longtemps à cause de l'appétit sans fin de la Chine. Il prévoit par ailleurs une hausse des transactions dans le secteur des technologies.

Les deux avocats restent néanmoins prudents sur la suite des choses, car le manque de confiance des acheteurs envers l'économie en général est toujours présent.

«Ça reprend, dit Me Dufour, mais pas sur les chapeaux de roues.»